Bergsonfait ici le lien entre l'art et la fonction de l'artiste, qui est de nous présenter, grùce à son aperception plus étendue des éléments du réel dont n
La pensĂ©e et le langage Le concept de pensĂ©e » possĂšde au moins deux acceptions majeures. Au sens strict, câest la pensĂ©e intellectuelle, passant par les idĂ©es, par les concepts, par les mots câest le jugement. Au sens large, la pensĂ©e dĂ©signe tout phĂ©nomene conscient, comme par exemple lâimagination ou encore la perception. Dâun cĂŽtĂ©, toute pensĂ©e semble passer nĂ©cessairement par le langage, mais de lâautre, elle semble facilement ne pas toujours emprunter la voie du langage pour se rĂ©aliser. Mais doit-on se satisfaire dâune telle p g Nây a-tâil pas tout dâab conceptuelles, dont lâ tions non mble ĂȘtre un parfait exemple ? Le langage nâest-il alors quâun simple instrument de la pensĂ©e puisquâici la langage semble excĂšder celle-ci ? Celle- ci serait alors indĂ©pendante, antĂ©rieure, voire plus large que le langage par lequel elle sâeprime. Le langage nâest-il pas au contraire une condition nĂ©cessaire de la pensĂ©e, câest-Ă -dire ce sans quoi il nây a de pensĂ©e, dâune part communiquĂ©e câest Ă©vident, dâautre part solitaire semble moins Ă©vident. Câest ici entre autre le problĂšme de lâinĂ©ffable existe-tâil de lâindicible nĂ©anmoins pensĂ© ? Dâautre part, SI la pensĂ©e comprise comme lâensemble de la vie consciente, psychique semble bien pouvoir se passer dâun langage, nâest-ce pas une apparence to next page apparence trompeuse ? Des opĂ©rations de lâesprit comme lâimagination ou la perception sont-elles vraiment sans langage » ? Et si ces opĂ©rations avaient un langage, ne serait-ce pas en un sens plus large que celui de la pensĂ©e conceptuelle ? Quel est donc le rapport entre la pensĂ©e et le langage est-il extĂ©rieur, accidentel, ou au contraire constitutif ? Bref peut-on penser sans langage ? -La pensĂ©e indĂ©pendante du langage La thĂšse selon laquelle il serait possible de penser sans langage revient entre autre Ă considĂ©rer le langage comme un simple instrument de la pensĂ©e. La pensĂ©e est alors ici une rĂ©alitĂ© prĂ©existante, antĂ©rieure, dont le langage se fait simple mĂ©diateur. En ce sens la pensĂ©e conceptuelle, passant par des mots ne serait quâune espĂšce du genre pensĂ©e, ce ne serait quâune forme, restreinte, quâelle peut prendre. La pesnĂ©e serait du spirituel, de lâimmatĂ©riel qui peut se matĂ©rieliser avec la langage ou bien rester immatĂ©rielle. On en arrive alors par exemple au problĂšme e lâadĂ©quation du langage avec la pensĂ©e quâelle doit exprimer la langage est-il un bon intermĂ©iaire ? La pensĂ©e ne se fait- elle pas en quelque sorte en dĂ©pit du langage, dans le sens oĂč les mots, les concepts, les langues ne seraient que des outils imparfaits pour la matĂ©rialisation et la transmission de la pensĂ©e ? Le fait que lâon cherche parfois nos mots peut par exemple ĂȘtre intĂ©prĂštĂ© en faveur de cette thĂšse, du moins en fav 2 OF s nos mots peut par exemple ĂȘtre IntĂ©prĂštĂ© en faveur de cette thĂšse, du moins en faveur de la thĂšse selon laquelle la pensĂ©e erait antĂ©rieure au langage, celui-ci extĂ©rieur Ă celle-lĂ . Certains philosophes ont soulignĂ© les limites de la pensĂ©e conceptuelle, câest-Ă -dire les limites du concpet pour exprimer au moins certaines formes de pensĂ©e. Bergson a par exemple mis en exergue lâimpossibilitĂ© de saisir conceptuellement ce quâest la vie, e tnotamment sa forme la plus Ă©levĂ©e quâest la vie consciente, du fait dâune sorte de raideur des concepts. Notre existence est profondĂ©ment temporelle. Il sâagit de ressaisir en deça de toute activitĂ© consciente la vie de lâesprit comme durĂ©e, flux. Saisir ce flux temporel, cest saisir quelque chose de toujours identique en moi, câest atteindre une vĂ©ritĂ©. Cette vĂ©ritĂ© est saisie par une intuition, câest-Ă -dire ici une vision de soi par soi cette intuition intellectuelle peut ĂȘtre comprise comme le contact immĂ©diat entre la pensĂ©e et son objet, sans le passage par lâintermĂ©diaire dâun concept. Ce qui signifie que lâaccĂšs Ă cette vĂ©ritĂ© que notre vie consciente est profondĂ©ment durĂ©e se fait par un mouvement qui va contre lâintellect et sâenracinne dans le vouloir, comme si la volontĂ© se retournait sur elle-mĂȘme. Cest un acte de lâesprit, donc en ce sens il existerait une pensĂ©e non conceptuelle, prenant ici la forme de lâintuition intellectuelle. Tout le problĂšme est alors de dire, de communique 3 OF s est alors de dire, de communiquer cette durĂ©e, car elle est au- delĂ du langafe. La pensĂ©e conceptuelle montre ici ses limite. En un sens, notre durĂ©e est quelque chose dâinĂ©ffable, dâindicible il y a ici une inadĂ©quation entre la pensĂ©e intuitive et le langage. Mais on peut tout de mĂȘme en faire une monstration, une description. Cest ce que ait Bergson, souvent par des formules Ă©gatives et limitatives, mais Ă©galement par des mĂ©taphores comme mĂ©lodie organisme Cest comme sâil tentait dâencercler lâobjet de son intuition sans pouvoir le montrer directement. Ainsi, chez Bergson, dâune part, il existe de la pensĂ©e non concpetuelle, qui nâest pas mĂ©diatisĂ©e par le langage, et, dâautre part, la communicationde cette intuition ne peut se faire quâimparfaitement, comme le prouve lâemploi de mĂ©taphores et de descriptions nĂ©gatives. Il y aurait donc des formes de pensĂ©e intellectuelle sans langage. Enfin, Ă cĂŽtĂ© de ce sens de la restreint de la pensĂ©e, il est possible e mettre en avant un sens bien plus large, que lâon retrouve par exemple chez Descartes, pour qui la pensĂ©e peut ĂȘtre comprise comme Pensemble des phĂ©nomĂšnes de la vie consciente. Dans les RĂ©ponses aux secondes objections, Descartes propose cette dĂ©finition de la pensĂ©e Par le nom de pensĂ©e, je comprends tout ce qui est tellement en nous que nous en sommes immĂ©diatement conscients. Ain 4 OF S comprends tout ce qui est tellement en nous que nous en sommes immĂ©diatement conscients. Ainsi toutes les opĂ©rations de la volontĂ©, de lâentendement, de lâimagination et des sens sont des pensĂ©ees b. La pensĂ©e, câest donc ici ce dont on est ImmĂ©diatement conscient. Lâimagination fonctionne par images, reprĂ©sente des choses par le biai dâimages. Il semble douteux quâen imaginant on pense avec le langage, du moins si lâon considĂšre celui-ci comme la facultĂ© de communiquer la pensĂ©e par un systĂšme de signes. On peut traduire le contenu de lâimagination par le langage, mais elle nâest pas elle-mĂȘme un langage. De mĂȘme la perception semble bel et bien se passer dâun langage. par consĂ©quent, la pensĂ©e semble bien pouvoir se passer du langage, ce qui revient Ă considĂ©rer celui-ci comme un simple nstrument, et la pensĂ©e comme antĂ©rieure et plus vaste que le langage. Lâintuition peut apparaitre comme une forme de pensĂ©e non conceptuelle dont on ne peut que difficilement rendre compte par langage il faut par exemple utiliser des descriptions indirectes. La possibilitĂ© dâune pensĂ©e indĂ©pendante du langage apparait encore plus nettement si lâon adopte un sens large de la pensĂ©e. Mais ce rapport instaurĂ© entre le langage et la pensĂ©e est-il satisfaisant ? Ne faut-il pas, notamment, restreindre le sens de pensĂ©e » et prĂ©ciser le sens de ce concept ? S OF s
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EXPĂRIENCES DU PRĂSENT TEXTES Vous trouverez les textes suivants dans le cadre du dossier Le Temps vĂ©cu » SĂNĂQUE De la briĂšvetĂ© de la vie extrait saint AUGUSTIN Confessions, livre XI extrait. MONTAIGNE Essais, II, XII, Apologie de Raymond Sebond extrait Essais, III, 13, De l'expĂ©rience extrait Blaise PASCAL, De l'esprit gĂ©omĂ©trique extrait Jean-Jacques ROUSSEAU Les RĂȘveries du promeneur solitaire extrait Emmanuel KANT Anthropologie du point de vue pragmatique extrait Charles BAUDELAIRE L'Horloge Les Fleurs du Mal Marcel PROUST Du cĂŽtĂ© de chez Swann extrait. Charles PĂGUY Note conjointe sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne extrait Henri BERGSON La PensĂ©e et le mouvant extrait COLETTE La Maison de Claudine extrait Jules SUPERVIELLE Les chevaux du Temps Jean-Paul SARTRE La NausĂ©e extrait ALAIN ElĂ©ments de philosophie extrait CIORAN Le Livre des leurres La Chute dans le temps extraits Ernst BLOCH Le principe EspĂ©rance extrait Claude MAURIAC Le Temps immobile VI extrait AndrĂ© COMTE-SPONVILLE TraitĂ© de la bĂ©atitude et du dĂ©sespoir extrait Jean ONIMUS Bonheurs, bonheur extrait. Corpus de citations. Accueil du site Magister Vocabulaire Types de textes Genres littĂ©raires Explication de texte Le commentaire Texte argumentatif La dissertation Parcours Ćuvres intĂ©grales Dossiers BTS Liens corrigĂ©explication de texte bergson, lenergie spirituelle Professional Voice Over Artist (443) 907-6131 | fabricant de lunettes dans le jura. Toggle navigation. apajh secteur privĂ© ou public; sourate al muddathir explication. ne le 29 octobre signe astrologique; teinture garance recette; bus creil roissy horaires; chaton Ă donner bordeaux 2021; appartement a vendre a fes route d'imouzzer Le temps est une dimension de la conscience. Dans Essai sur les donnĂ©es immĂ©diates de la conscience, Henri Bergson remet en question la conception du temps partagĂ©e par le sens commun, la philosophie et la science. Il montre que lâĂ©coulement du temps est autant, sinon davantage une propriĂ©tĂ© liĂ©e Ă la perception individuelle du sujet quâune dimension mesurable de la rĂ©alitĂ©. >> La critique de la raison pure de Kant sur un post-it Le temps est une donnĂ©e objective liĂ©e Ă lâespace. Bergson montre en effet quâil correspond en pratique Ă la mesure dâune rĂ©pĂ©tition dans lâespace. Comme il peut ĂȘtre prĂ©cisĂ©ment mesurĂ© avec un chronomĂštre, une montre, un calendrier, etc., il est donc divisĂ© et spatialisĂ©. Le philosophe illustre son explication en analysant la consultation dâune horloge Quand je suis des yeux, dĂ©crit-il, sur le cadran de lâhorloge, le mouvement de lâaiguille qui correspond aux oscillations du pendule, je ne mesure pas de la durĂ©e, comme on paraĂźt le croire ; je me borne Ă compter des simultanĂ©itĂ©s ⊠En dehors de moi, dans lâespace, il nây a jamais quâune position unique de lâaiguille et du pendule, car des positions passĂ©es il ne reste rien » Essai sur les donnĂ©es immĂ©diates de la conscience. Lâobservateur qui compte soixante secondes se ne fait donc que remplacer, Ă soixante reprises, une oscillation par un autre dans lâespace. Or, les diffĂ©rentes positions de lâaiguille nâont aucun lien entre elles, car elles nâindiquent que du prĂ©sent. Ainsi, pour Bergson, la mesure du temps physique nâĂ©quivaut en rĂ©alitĂ© quâĂ la mesure de lâespace. DĂšs lors, et le sens commun et la science se reprĂ©sentent en fait le temps grĂące Ă lâespace, un milieu homogĂšne et extĂ©rieur Ă la conscience humaine. >> La mĂ©thode expĂ©rimentale de Claude Bernard sur un post-it Bergson oppose le temps de la science et la durĂ©e de la conscience Le temps se distingue de la durĂ©e. Celle-ci dĂ©signe, dans la terminologie de Bergson, le temps psychologique qui est lui subjectif et relatif. Alors que le temps est extĂ©rieur Ă lâhomme, la durĂ©e lui est intime. Comme elle est Ă©prouvĂ©e par le sujet, elle ne peut pas ĂȘtre divisĂ©e ni mesurĂ©e, car la conscience est un flux homogĂšne. Le philosophe illustre cette spĂ©cificitĂ© de la durĂ©e en donnant lâexemple de la perception de la fonte dâun sucre dans lâeau si je veux me prĂ©parer un verre dâeau sucrĂ©e, explique Bergson, jâai beau faire, je dois attendre que le sucre fonde. Ce petit fait est gros dâenseignements. Car le temps que jâai Ă attendre nâest plus ce temps mathĂ©matique qui sâappliquerait aussi bien le long de lâhistoire entiĂšre du monde matĂ©riel, lors mĂȘme quâelle serait Ă©talĂ©e tout dâun coup dans lâespace. Il coĂŻncide avec mon impatience, câest-Ă -dire avec une certaine portion de ma durĂ©e Ă moi, qui nâest pas allongeable ni rĂ©trĂ©cissable Ă volontĂ©. Ce nâest plus du pensĂ©, câest du vĂ©cu » Essai sur les donnĂ©es immĂ©diates de la conscience. Ainsi, la durĂ©e Ă©prouvĂ©e par la conscience est diffĂ©rente du temps des horloges parce quâelle est propre Ă lâindividu, Ă un Ă©tat dâesprit, Ă certaines circonstances, ou Ă une sociĂ©tĂ©. Elle est pour Bergson le temps vĂ©ritable, inaccessible pour la science. >> Le Cogito de Descartes sur un post-it Le temps ne permet pas de tout comprendre de lâhomme. En opposant, dâune part, le temps fictif, abstrait, homogĂšne et vide des scientifiques, et dâautre part, le temps vĂ©cu de la durĂ©e pure, Bergson veut dĂ©montrer lâincapacitĂ© de la science Ă maĂźtriser le temps rĂ©el dans lequel Ă©volue lâindividu. Ă la vĂ©ritĂ©, le scientifique ne peut pas atteindre lâĂ©paisseur de la vie, câest-Ă -dire les qualitĂ©s vĂ©cu, mĂ©moire, dĂ©sirs, etc. qui caractĂ©risent la conscience individuelle et Ă©chappent totalement Ă lâexactitude mathĂ©matique. La science ne fait dĂšs lors que donner lâillusion quâelle saisit le temps vĂ©cu elle substitue Ă la durĂ©e un Ă©quivalent symbolique qui nâest quâune reprĂ©sentation pratique. De ce point de vue, sa fonction nâest pas de produire de vĂ©ritables connaissances, mais de lâaction. Il est de lâessence de la science, en effet, Ă©crit Bergson, de manipuler des signes quâelle substitue aux objets eux-mĂȘmes. [âŠ] Pour penser le mouvement, il faut un effort sans cesse renouvelĂ© de lâesprit. Les signes sont faits pour nous dispenser de cet effort en substituant Ă la continuitĂ© mouvante des choses une recomposition artificielle qui lui Ă©quivaille dans la pratique et qui ait lâavantage de se manipuler sans peine » Essai sur les donnĂ©es immĂ©diates de la conscience. Par consĂ©quent, Bergson considĂšre que la philosophie et la mĂ©taphysique, qui ne recourent pas Ă la mĂ©diation du symbolisme scientifique, sont plus Ă mĂȘme de saisir la rĂ©alitĂ© humaine dans son authenticitĂ©. >> La mĂ©thode de Descartes sur un post-it source Textede Bergson, La pensĂ©e et le mouvant Explication de texte Français Document Ă©lectronique LycĂ©e A obtenu la note de 15/20 2 pages Description J'ai rĂ©pondu Ă des questions sur un texte Voici le texte intĂ©gral de la lettre de Spinoza Ă propos de la libertĂ©, adressĂ©e Ă G. H. texte complet de la lettre est suivi par un commentaire de texte, qui constitue une correction possible si le sujet vous est posĂ© lors dâune Ă©preuve de corrigĂ©s vous permettront de mieux comprendre le texte et expliquent ce quâil faut lire derriĂšre les lignes. NĂ©anmoins, la lecture de la lettre originale est importante avant de lire la correction â commentaire de intĂ©gral de la lettre de Spinoza sur la libertĂ©Jâappelle libre, quant Ă moi, une chose qui est et agit par la seule nĂ©cessitĂ© de sa nature ; contrainte, celle qui est dĂ©terminĂ©e par une autre Ă exister et Ă agir dâune certaine façon par exemple, existe librement bien que nĂ©cessairement parce quâil existe par la seule nĂ©cessitĂ© de sa nature. De mĂȘme aussi Dieu se connaĂźt lui-mĂȘme librement parce quâil existe par la seule nĂ©cessitĂ© de sa nature. De mĂȘme aussi Dieu se connaĂźt lui-mĂȘme et connaĂźt toutes choses librement, parce quâil suit de la seule nĂ©cessitĂ© de sa nature que Dieu connaisse toutes choses. Vous le voyez bien, je ne fais pas consister la libertĂ© dans un libre dĂ©cret mais dans une libre descendons aux choses créées qui sont toutes dĂ©terminĂ©es par des causes extĂ©rieures Ă exister et Ă agir dâune certaine façon dĂ©terminĂ©e. Pour rendre cela clair et intelligible, concevons une chose trĂšs simple une pierre par exemple reçoit dâune cause extĂ©rieure qui la pousse, une certaine quantitĂ© de mouvements et, lâimpulsion de la cause extĂ©rieure venant Ă cesser, elle continuera Ă se mouvoir nĂ©cessairement. Cette persistance de la pierre dans le mouvement est une contrainte, non parce quâelle est nĂ©cessaire, mais parce quâelle doit ĂȘtre dĂ©finie par lâimpulsion dâune cause extĂ©rieure. Et ce qui est vrai de la pierre il faut lâentendre de toute chose singuliĂšre, quelle que soit la complexitĂ© quâil vous plaise de lui attribuer, si nombreuses que puissent ĂȘtre ses aptitudes, parce que toute chose singuliĂšre est nĂ©cessairement dĂ©terminĂ©e par une cause extĂ©rieure Ă exister et Ă agir dâune certaine maniĂšre maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis quâelle continue de se mouvoir, pense et sache quâelle fait effort, autant quâelle peut, pour se mouvoir. Cette pierre assurĂ©ment, puisquâelle a conscience de son effort seulement et quâelle nâest en aucune façon indiffĂ©rente, croira quâelle est trĂšs libre et quâelle ne persĂ©vĂšre dans son mouvement que parce quâelle le est cette libertĂ© humaine que tous se vantent de possĂ©der et qui consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leurs appĂ©tits et ignorent les causes qui les dĂ©terminent. Un enfant croit librement appĂ©ter le lait, un jeune garçon irritĂ© vouloir se venger et, sâil est poltron, vouloir fuir. Un ivrogne croit dire par un libre dĂ©cret de son Ăąme ce quâensuite, revenu Ă la sobriĂ©tĂ©, il aurait voulu taire. De mĂȘme un dĂ©lirant, un bavard, et bien dâautres de mĂȘme farine, croient agir par un libre dĂ©cret de lâĂąme et non se laisser prĂ©jugĂ© Ă©tant naturel, congĂ©nital parmi tous les hommes, ils ne sâen libĂšrent pas aisĂ©ment. Bien quâen effet lâexpĂ©rience enseigne plus que suffisamment que, sâils est une chose dont les hommes soient peu capables , câest de rĂ©gler leurs appĂ©tits et, bien quâils constatent que partagĂ©s entre deux affections contraires, souvent ils voient le meilleur et font le pire, ils croient cependant quâils sont libres, et cela parce quâil y a certaines choses nâexcitant en eux quâun appĂ©tit lĂ©ger, aisĂ©ment maitrisĂ© par le souvenir frĂ©quemment rappelĂ© de quelque autre SPINOZA, lettre Ă Schuller, Lettre LVIII, in ĆuvresCommentaire de texte Explications sur la lettre de Spinoza Ă propos de la libertĂ©[INTRODUCTION][ThĂšme]Dans sa correspondance, dont une partie prend place aprĂšs la parution de lâEthique, Spinoza a maintes fois lâoccasion dâaborder le thĂšme de la libertĂ©. Il en est ici de nouveau question.[PrĂ©sentation de lâauteur]Baruch Spinoza est un philosophe nĂ©erlandais du XVIIe siĂšcle, dont les Ă©crits lui ont valu une excommunication de la communautĂ© juive. Si ses ouvrages sont alors scandaleux, ce nâest pas tant par un quelconque refus de la religion, mais bien par sa rĂ©interprĂ©tation ou son interprĂ©tation simplement des concepts religieux mais aussi philosophiques, au nombre desquels la libertĂ© doit compter.[Enjeu] Cette lettre sâinscrit donc Ă une Ă©poque oĂč la libertĂ© entendue comme libre-arbitre veut ĂȘtre prĂ©servĂ©e, notamment pour rendre compte du pĂ©chĂ© comme acte dĂ©libĂ©rĂ© et contre la rĂ©forme protestante qui un siĂšcle plus tĂŽt en Europe Ă©galement ouvre la voie Ă la notion de prĂ©destination.[ProblĂ©matique] Ainsi, le problĂšme auquel rĂ©pond Spinoza dans sa lettre Ă G. H. Schuller est celui de comprendre comment le prĂ©jugĂ© du libre-arbitre peut ĂȘtre percĂ© et Ă©lucidĂ© par les ĂȘtres humains. Comment la libertĂ© peut ĂȘtre conçue pour ce quâelle est, Ă savoir une libre nĂ©cessitĂ© plutĂŽt quâun libre dĂ©cret, ce dernier nâĂ©tant quâune illusion ?[ThĂšse]Spinoza souligne lâimportance de se dĂ©faire des superstitions, au rang desquelles appartient le libre-arbitre, et qui rĂ©side dans le fait que lâhomme pense savoir quâil vit selon sa propre dĂ©cision, alors quâil ne fait que suivre la nĂ©cessitĂ©.[Plan]Pour aboutir Ă cette thĂšse, il est possible dâidentifier trois mouvements dans le texte selon ses trois paragraphes dâabord, Spinoza rappelle les conclusions de lâEthique, en prĂ©cisant ce quâi appelle libertĂ©. Puis il fait voir les dĂ©veloppements et les consĂ©quences de ces conclusions en insistant sur le fait que toute chose est dĂ©terminĂ©e si elle est singuliĂšre. Enfin, il porte un coup Ă lâillusion de maĂźtrise des hommes en dĂ©voilant par plusieurs exemples que lâhomme nâest pas cet empire dans un empire » Ethique quâil croit ĂȘtre.[Importance]Cette dĂ©couverte, Ă savoir que la libertĂ© en tant que libre-arbitre nâest quâillusion, est fondamentale dans lâhistoire de la philosophie, puisque les auteurs Ă venir ne feront que se situer par rapport Ă Spinoza sur cette question ; dâoĂč la phrase de Hegel lâalternative est Spinoza ou pas de philosophie. ».[PREMIĂRE PARTIE]Dans la premiĂšre partie, Spinoza entend donc rappeler les conclusions de lâ commence donc par faire la distinction entre ce qui est libre et contraint. Est libre une chose qui est et agit par la seule nĂ©cessitĂ© de sa nature ». Pour Spinoza, la nĂ©cessitĂ© consiste en ce qui ne peut pas ne pas ĂȘtre, ce qui dans lâEthique vaut pour Dieu lui-mĂȘme et donc le monde. Si tout nâest pas libre, tout est nĂ©cessaire pour Spinoza. Le contingent nâest pas une caractĂ©ristique du monde possible. Il est donc plus important dâinsister sur les mots la seule nĂ©cessitĂ© de sa nature » dans le sens oĂč rien dâextĂ©rieur nâintervient, et câest ce qui donne le caractĂšre libre. Au contraire, ce qui est contraint est dĂ©terminĂ© par une autre Ă exister ». Câest bien lâagent extĂ©rieur qui fonde la distinction, car tout est est il est possible de dire de Dieu quâil est libre. Car si lui-mĂȘme est nĂ©cessaire, câest-Ă -dire quâil nâaurait pas pu ne pas ĂȘtre ou ĂȘtre diffĂ©rent, pour autant rien ne lâa poussĂ© Ă exister ou Ă persĂ©vĂ©rer dans son ĂȘtre de maniĂšre causale et par un agent extĂ©rieur. Dieu, Ă©galement, connaĂźt toutes choses librement » de façon Ă©vidente Ă la lecture de lâEthique, puisque Dieu consiste en le monde entier, il est illimitĂ© et infini, ces attributs dĂ©rivant de sa nature par dĂ©finition. Puisquâil est toutes choses, il connaĂźt » toutes pourquoi Spinoza rectifie contre la possibilitĂ© de galvauder les termes lâidĂ©e que la libertĂ© pour lui reviendrait au libre dĂ©cret » notion synonyme de libre-arbitre » tel quâil est posĂ© par Saint Thomas dâAquin dans sa Somme thĂ©ologique, dĂ©cret » insistant sur le pouvoir dĂ©cisionnel. La libertĂ© pour Spinoza consiste donc Ă suivre sa propre nature, et rien dâautre.[DEUXIĂME PARTIE]Dans la seconde partie de ce texte, Spinoza prend lâexemple dâune chose singuliĂšre pour rendre compte quâelle est dĂ©terminĂ©e par une cause extĂ©rieure et donc bien comprendre lâexemple que prend Spinoza, il convient de voir quâi prĂ©pare en fait une comparaison avec lâĂȘtre humain. Mais Ă ce moment, Spinoza se contente de descendre » Ă une chose singuliĂšre, dont personne nâaffirme ou nâa affirmĂ© quâelle pourrait ĂȘtre libre en lâoccurrence une pierre. Ainsi une pierre jetĂ©e par quelquâun, ou entraĂźnĂ©e par quelque chose dâautre, imprimera un mouvement et sera en dĂ©placement. Personne ne soupçonnerait alors que cette pierre est libre. Si cette rĂ©flexion servira pour la troisiĂšme partie, dans la prĂ©sente Spinoza dĂ©finit ainsi une chose contrainte, et gĂ©nĂ©ralise depuis a pierre Ă toute chose singuliĂšre, câest-Ă -dire toute chose qui est unique et bien prĂ©sente, matĂ©rielle. Il est important de dire que Spinoza inclut les ĂȘtres vivants, animaux comme humains, visĂ©s en particulier par formule quelque chose la complexitĂ© quâil vous plaise de lui attribuer ». Ainsi il nâest pas de diffĂ©rence radicale entre une pierre, un animal et un ĂȘtre humain, si ce nâest par la complexitĂ©, qui sont tous des choses singuliĂšres. Or toute chose chose singuliĂšre, donc un homme u compris, existe par une cause et dâune certaine façon dĂ©terminĂ©e, tout comme la pierre a Ă©tĂ© jetĂ©e. La seule exception Ă©tant bien sĂ»r Dieu, qui nâest provoquĂ© ou engendrĂ© par aucune cause extĂ©rieure ni dĂ©terminĂ© Ă agir dâaucune sorte.[TROISIĂME PARTIE]Spinoza dans la troisiĂšme partie montre par lâexemple comment comprendre le prĂ©jugĂ© du dĂ©monstration par lâexemple passe par lâidĂ©e dâaccorder Ă la pierre, donc pour rappel personne ne soupçonne quâelle soit libre, la pensĂ©e et la conscience. Bien sĂ»r le parallĂšle avec lâhomme est voulu et important. Il sâagit pour Spinoza de faire voir que lâhomme a simplement conscience et sait quâil se meut et quâil persĂ©vĂšre dans son mouvement » sans pour autant ĂȘtre maĂźtre de ses actions, sans quâil ne soit cet empire dans un empire », illusion dĂ©noncĂ©e dĂ©jĂ dans lâEthique. Ainsi que la pierre nâest pas dotĂ©e de libertĂ© mais est contrainte, de mĂȘme lâhomme est dĂ©terminĂ©. Lâillusion tient donc seulement au fait que les hommes sont conscients de leur conatus, terme spinoziste dĂ©crivant lâeffort de persĂ©vĂ©rer dans son ĂȘtre. Mais les hommes ne se rendant pas compte de toutes les causes qui les poussent Ă agir, de mĂȘme que la pierre ne sâentraĂźne pas elle-mĂȘme, ils croient alors quâils sont libres. Il serait possible dâajouter que cette dĂ©sillusion est une humiliation pour lâhomme comme le dĂ©note lâutilisation du terme se vante », car cette illusion participait pour lâhomme de se croire tout puissant sur en ce sens Ă©numĂšre une sĂ©rie dâexemples pour renforcer son argumentation et ainsi au passage marquer le fait quâil nây a pas de radicale diffĂ©rence entre un enfant », un jeune garçon irritĂ© », un ivrogne », un dĂ©lirant » ou encore un bavard », mais surtout avec un adulte qui nâa aucune de ces conditions ou de condition similaire. Ils sont certes diffĂ©rents par la conscience et la pensĂ©e quâils ont sur eux-mĂȘmes, mais pas du tout dans le fait quâis sont entiĂšrement humain, quelle que soit sa condition ou sa proximitĂ© avec des standards normaux » nâest donc pas libre dans le sens dâun libre dĂ©cret. Circonstance attĂ©nuante de cette Ă©erreur, Spinoza explique que cette illusion est naturelle, câest-Ă -dire quâelle vient Ă lâesprit spontanĂ©ment. Mais lâEthique est bien lâouvrage qui appelle Ă se dĂ©tacher de cette opinion, et cette lettre conclut de faire comprendre ce quâest rĂ©ellement la libertĂ© pour Spinoza.[CONCLUSION][Bilan] En conclusion, il sâagit dans cette lettre Ă G. H. Schuller non seulement de rappeler le rĂ©sultat de lâEthique en matiĂšre de libertĂ©, mais surtout de pourfendre dĂ©finitivement le caractĂšre illusoire du libre-arbitre, en dĂ©voilant par lâexemple ce quâest vraiment la libertĂ© et ce quâelle nâest pas.[Ouvertures] LâĂȘtre humain, duquel il faut exclure tout libre-arbitre, se trouve ainsi remis Ă sa place dans lâimmensitĂ© du monde que Dieu est. Câest pourquoi, il faudrait dâune part rĂ©flĂ©chir sur cette humiliation, ou blessure narcissique » dâaprĂšs les termes de Freud, ce dernier ne lâayant pas inclus dans son Introduction Ă la psychanalyse comme une des blessures, alors quâil pourrait ĂȘtre remarquĂ© un rapprochement avec la critique de lâinconscient, qui pousse Ă dire que lâhomme nâest pas son propre maĂźtre. Dâautre part, il serait intĂ©ressant de voir comment pour Spinoza la destruction de lâillusion du libre-arbitre conduit Ă mieux connaĂźtre Dieu, et par consĂ©quent se rapprocher de la fĂ©licitĂ©.â Explications du Discours de la MĂ©thode â Descartes Bergsonextrait de La pensĂ©e et le mouvant. Fil directeur du texte : comment saisir le temps rĂ©el ? Par la science ou par la conscience ? I.e. : le temps rĂ©el peut-il ĂȘtre saisi par la pensĂ©e mathĂ©matique, par la science, ou bien fait-il l'objet d'une saisie intĂ©rieure Ă- RĂ©sumĂ© n°1 MP et PSI AndrĂ© Comte-Sponville, PrĂ©sentations de la philosophie, 2000, Albin Michel, p. 151-155. - RĂ©sumĂ© n°2 PCSI, MP et PSI Nicole Aubert, Le culte de l'urgence. La sociĂ©tĂ© malade du temps, 2003, Champs essais, 2009, p. 339-342. - RĂ©sumĂ© n°3 PCSI, MP et PSI Hartmut Rosa, AliĂ©nation et accĂ©lĂ©ration. Vers une thĂ©orie critique de la modernitĂ©, 2010, tr. fr. Thomas Chaumont, La DĂ©couverte, 2012, p. 127-130. - RĂ©sumĂ© n°4 PCSI Vladimir JankĂ©lĂ©vitch, L'irrĂ©versible et la nostalgie, 1974, Flammarion, Champs essais, 2011, p. 230-234. - RĂ©sumĂ© n°5 Vladimir JankĂ©lĂ©vitch, L'irrĂ©versible et la nostalgie, 1974, Flammarion, Champs essais, 2011, p. 168-171 et 176-177. - RĂ©sumĂ© n°6 PCSI Louis Lavelle, La conscience de soi, 1933. - RĂ©sumĂ© n°7 MP, PSI Norbert Elias, Du temps, 1984, tr. fr. MichĂšle Hulin, Fayard, p. 46-47. - RĂ©sumĂ© n°8 PCSI Mircea Eliade, Le SacrĂ© et le Profane, 1957, Ă©d. Gallimard, Folio essais, 2001, p. 63. Vous rĂ©sumerez le texte suivant en 100 mots + ou - 10% "Le passĂ© n'est plus, l'avenir n'est pas encore il n'y a que le prĂ©sent, qui est l'unique temps rĂ©el. Toutefois ce n'est pas ainsi que nous le vivons. Nous ne prenons conscience du temps, au contraire, que parce que nous nous souvenons du passĂ©, que parce que nous apprĂ©hendons, par l'esprit ou par nos horloges, ce qui les sĂ©pare⊠Par nos horloges ? Mais ces aiguilles qui bougent, ce n'est qu'un morceau du prĂ©sent ce n'est pas du temps, disait Bergson, c'est de l'espace. Seul l'esprit, qui se souvient de leur position passĂ©e, qui anticipe leur position Ă venir, peut y lire la durĂ©e. Supprime l'esprit, il ne resterait qu'un prĂ©sent sans passĂ© ni futur il ne resterait que la position actuelle des aiguilles, il ne resterait que l'espace. Mais l'esprit est lĂ puisque la mĂ©moire est lĂ , puisque le corps est lĂ , qui se souvient du passĂ©, du prĂ©sent et mĂȘme vois nos rendez-vous, nos projets, nos promesses ⊠de l'avenir. Ce n'est plus de l'espace, c'est de la durĂ©e. Ce n'est plus du mouvement, c'est de la conscience. Ce n'est plus de l'instant, c'est de l'intervalle. C'est pourquoi nous pouvons mesurer le temps essaie un peu de mesurer le prĂ©sent !, c'est pourquoi le temps, pour nous, s'oppose Ă l'Ă©ternitĂ© qui serait un pur prĂ©sent, sans passĂ© ni futur, bref c'est pourquoi nous sommes dans le temps et pas seulement dans le prĂ©sent - Ă moins que ce ne soit le temps, peut-ĂȘtre, qui soit en nous⊠Pourquoi cette hĂ©sitation ? Parce que ce temps, que nous mesurons ou imaginons, est composĂ© surtout de passĂ© et d'avenir, lesquels n'ont d'existence que pour l'esprit comment savoir si ce n'est pas le cas, aussi, du temps lui-mĂȘme ? Cette question, qui est celle de l'objectivitĂ© ou de la subjectivitĂ© du temps, est philosophiquement importante. Le temps fait-il partie du monde, de la nature, de la rĂ©alitĂ© en soi ? Ou bien n'existe-t-il que pour nous, que pour notre conscience, que subjectivement ? On remarquera que les deux thĂšses, en toute rigueur, ne s'excluent pas. Il se pourrait que l'une et l'autre soient vraies, chacune de son point de vue, autrement dit qu'il y ait deux temps diffĂ©rents, ou deux façons diffĂ©rentes de penser le temps d'une part le temps objectif le temps du monde ou de la nature, qui n'est qu'un perpĂ©tuel maintenant, comme disait Hegel, comme tel toujours indivisible essaie un peu de diviser le prĂ©sent ! ; et d'autre part le temps de la conscience ou de l'Ăąme, qui n'est guĂšre que la somme - dans et pour l'esprit - d'un passĂ© et d'un avenir. On peut appeler le premier la durĂ©e, le second le temps. Mais Ă condition de ne pas oublier qu'il s'agit en vĂ©ritĂ© d'une seule et mĂȘme chose, considĂ©rĂ©e de deux points de vue diffĂ©rents que le temps n'est que la mesure humaine de la durĂ©e. Pour dĂ©terminer la durĂ©e, Ă©crit Spinoza, nous la comparons Ă la durĂ©e des choses qui ont un mouvement invariable et dĂ©terminĂ©, et cette comparaison s'appelle le temps. » Mais aucune comparaison ne fait un ĂȘtre. C'est ce qui interdit de confondre la durĂ©e et le temps, mais aussi de les distinguer absolument, comme s'ils existaient au mĂȘme titre. Ce n'est pas le cas. La durĂ©e fait partie du rĂ©el, ou plutĂŽt elle est le rĂ©el mĂȘme c'est la continuation indĂ©finie de son existence. Le temps, lui, n'est qu'un ĂȘtre de raison c'est notre façon de penser ou de mesurer l'indivisible et incommensurable durĂ©e de tout. La durĂ©e est de l'ĂȘtre ; le temps, en ce sens, du sujet. Ce dernier temps, le temps vĂ©cu, le temps subjectif qui seul permet de mesurer le temps objectif il n'y a d'horloge que pour une conscience, c'est ce que les philosophes du XXe siĂšcle appellent volontiers la temporalitĂ©. C'est une dimension de la conscience, plutĂŽt que du monde. Une distension de l'Ăąme, comme disait encore saint Augustin, plutĂŽt que de l'ĂȘtre. Une forme a priori de la sensibilitĂ©, comme dirait Kant, plutĂŽt qu'une rĂ©alitĂ© objective ou en soi. Une donnĂ©e du sujet, plutĂŽt que de l'objet. Mais que nous ne puissions expĂ©rimenter le temps qu'Ă travers la subjectivitĂ©, ce qu'on peut accorder Ă Kant ou Husserl, cela ne prouve pas qu'il s'y rĂ©duise, et mĂȘme, me semble-t-il, ce n'est pas vraisemblable. Car si le temps n'existait que pour nous, comment aurions-nous pu advenir dans le temps ? Quelle rĂ©alitĂ© accorder Ă ces milliards d'annĂ©es qui ne se prĂ©sentent Ă la conscience grĂące Ă nos physiciens, gĂ©ologues et autres palĂ©ontologues que rĂ©trospectivement, comme le temps d'avant nous, le temps d'avant la conscience, qui dut d'autant plus la prĂ©cĂ©der qu'elle n'aurait pu, sans lui, Ă©merger ? Entre le big-bang et l'apparition de la vie, comment le temps, s'il n'existe que pour nous, faisait-il pour passer ? Et comment, s'il ne passait pas, la nature put-elle Ă©voluer, changer, crĂ©er ? Si le temps n'Ă©tait que subjectif, comment la subjectivitĂ© aurait-elle pu apparaĂźtre dans le temps ? ConsidĂ©rons un laps de temps quelconque, disons cette journĂ©e que nous vivons. Une partie est passĂ©e, une autre est Ă venir... Quant au prĂ©sent qui les sĂ©pare, ce n'est qu'un instant sans durĂ©e s'il durait il serait composĂ© lui-mĂȘme de passĂ© et d'avenir, qui n'est pas du temps. Si nous vivons cela comme temps, c'est que notre conscience retient ce qui n'est plus, anticipe ce qui n'est pas encore, bref fait exister dans un mĂȘme prĂ©sent - le prĂ©sent vĂ©cu - ce qui ne saurait en rĂ©alitĂ©, exister ensemble. C'est en quoi, comme l'a bien vu Marcel Conche, la temporalitĂ© ne nous permet d'apprĂ©hender le temps que parce qu'elle est d'abord sa nĂ©gation l'homme rĂ©siste au temps puisqu'il se souvient, puisqu'il anticipe ; c'est pourquoi il en prend conscience. L'esprit toujours nie, et c'est l'esprit mĂȘme, qui est mĂ©moire, imagination, obstination, volontĂ©... Mais on ne rĂ©siste au temps que dans le temps. Mais la mĂ©moire, l'imagination, l'obstination ou la volontĂ© n'existent elles-mĂȘmes qu'au prĂ©sent. Mais l'esprit n'existe que dans le monde ou le corps, et c'est ce qu'on appelle exister. Comment pourrions-nous vaincre le temps, puisqu'on ne peut le combattre qu'Ă la condition d'abord de lui appartenir ?" AndrĂ© Comte-Sponville, PrĂ©sentations de la philosophie, 2000, Albin Michel, p. 151-155. CorrigĂ© proposĂ© Si nous n'Ă©tions pas capable de nous souvenir du passĂ© et d'anticiper l'avenir, nous n'aurions pas / conscience d'un temps qui dure, car celui-ci se rĂ©duirait au seul instant prĂ©sent. Est-ce Ă dire nĂ©anmoins / que le temps n'existe que dans notre esprit ? En vĂ©ritĂ©, il faut distinguer la durĂ©e, temps rĂ©el et objectif, et / le temps, qui est notre façon subjective de percevoir celui-ci. Certes, notre expĂ©rience du temps est essentiellement celle du / temps vĂ©cu, mais notre conscience du temps reste tributaire d'un temps du monde qui nous a prĂ©cĂ©dĂ©s et dont / nous restons prisonniers. 103 mots Retour en haut de page Vous rĂ©sumerez le texte suivant en 100 mots + ou - 10% "Dans notre monde flexible, fait de mouvement et d'incertitude, rien n'est plus acquis chacun doit, Ă tout moment, pouvoir faire la preuve de sa mobilitĂ© et de son adaptabilitĂ© et les parcours individuels ressemblent souvent Ă une course d'obstacles oĂč le prĂ©sent doit se conquĂ©rir sans rĂ©pit. La vision de l'avenir, longtemps articulĂ©e autour de la notion de progrĂšs s'est voilĂ©e du fait de l'incrĂ©dulitĂ© croissante Ă l'Ă©gard de tous les fondements sur lesquels cette notion s'Ă©tait construite l'idĂ©e selon laquelle les dĂ©couvertes de la science, les inventions techniques et l'expansion de l'Ă©conomie suffiraient Ă crĂ©er les conditions durables d'un bien-ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ© a montrĂ© ses limites et chacun de ces fondements a dĂ©voilĂ© des aspects imprĂ©visibles ou inquiĂ©tants. SimultanĂ©ment, l'Ă©miettement des croyances idĂ©ologiques ou religieuses, liĂ© Ă l'approfondissement de la dynamique individualiste, conduit Ă l'abandon de l'idĂ©e d'une structuration du prĂ©sent par le passĂ© et Ă l'Ă©clatement des visions d'un avenir communĂ©ment partagĂ©. Plus que la notion de progrĂšs, c'est celle des peurs et des risques partagĂ©s qui semble constituer maintenant le seul rĂ©fĂ©rent commun de notre sociĂ©tĂ©. Celle-ci apparaĂźt fragmentĂ©e » selon l'expression de Charles Taylor, dĂ©signant par lĂ une sociĂ©tĂ© dans laquelle les membres Ă©prouvent de plus en plus de mal Ă s'identifier Ă leur collectivitĂ© politique en tant que communautĂ© [et oĂč] l'absence de perspectives partagĂ©es renvoie les gens Ă eux-mĂȘmes »[1] et Ă une expĂ©rience limitĂ©e au prĂ©sent et au futur immĂ©diat. Avec les nouvelles technologies de l'information, qui ont intĂ©grĂ© les pays et les individus dans des rĂ©seaux fonctionnels planĂ©taires, le rapport au temps s'est considĂ©rablement modifiĂ©. Dans la sociĂ©tĂ© en rĂ©seaux, le temps sĂ©quentiel, chronologique, irrĂ©versible, a cĂ©dĂ© la place Ă un temps immatĂ©riel fondĂ© sur la technologie, un temps intemporel », arrimĂ© au seul prĂ©sent, affranchi de la durĂ©e et des rĂ©fĂ©rences aux catĂ©gories traditionnelles du passĂ© et du futur, avec les contraintes qui en dĂ©coulaient. L'Ă©mergence de l'urgence comme mode d'ĂȘtre du temps, la prĂ©valence de l'instant, l'empire de l'Ă©phĂ©mĂšre » qui impose la briĂšvetĂ© comme maniĂšre d'ĂȘtre des choses, des produits culturels et des idĂ©es, accompagnent ce bouleversement. En basculant dans le temps intemporel », qui abolit la durĂ©e et franchit l'espace en une fraction de seconde, l'individu contemporain vit dans une temporalitĂ© immĂ©diate. Il a le sentiment de frĂŽler l'Ă©ternitĂ© puisqu'il est dans un temps sans durĂ©e qui Ă©ternise le prĂ©sent. Dans son rapport Ă l'Ă©ternitĂ©, lĂ oĂč un Ă©crivain du dĂ©but du siĂšcle s'efforçait de ressusciter le temps en faisant revivre le passĂ©, l'individu contemporain s'efforce d'intensifier le prĂ©sent et de repousser les limites de la mort. Mais si l'instantanĂ©itĂ© lui donne le sentiment de pouvoir s'affranchir du temps, l'urgence incarne la rĂ©sistance du temps, elle est violence » du temps. L'urgence s'impose Ă lui. L'instantanĂ©itĂ© lui est donnĂ©e. Dans les deux cas, l'individu s'efforce de nier le temps. Par l'urgence, en traitant le plus de choses possible dans le moins de temps possible, il veut triompher du temps. Par l'instantanĂ©itĂ©, il pense abolir le temps. S'il advient que l'urgence le submerge et l'emprisonne dans un rythme infernal, il se retrouve engluĂ© dans le temps, vaincu par le temps. L'instantanĂ©itĂ©, quant Ă elle, le dispense d'un combat mais peut, selon les cas, le libĂ©rer du temps ou l'arrimer Ă l'immĂ©diat. L'urgence, cependant, peut aussi ĂȘtre libĂ©ratrice dans la mesure oĂč elle fait vivre l'instant intensĂ©ment et nous dĂ©douane brutalement de l'Ă©paisseur du temps, souvent dictĂ©e par les outils ou les mĂ©thodes de dĂ©cision et de rĂ©flexion. L'Ă©tat d'urgence peut alors ĂȘtre vĂ©cu comme une sorte d'Ă©tat de crise temporaire dans lequel tout est possible, oĂč l'on peut se nourrir de cet instant de libertĂ© pour envisager des solutions nouvelles et une rĂ©orientation de son action. L'urgence devient alors le prĂ©texte Ă la crĂ©ativitĂ© et Ă la spontanĂ©itĂ©, prĂ©texte Ă l'imagination et l'improvisation. Si c'est urgent, alors tout est possible. L'urgence n'est donc pas seulement un temps plein, court, saturĂ© d'angoisses et de limites, elle est aussi un vide, un temps ou les repĂšres traditionnels sont chancelants, un temps oĂč les individus inventent en mĂȘme temps qu'ils s'inventent. Lorsque le temps de la dĂ©cision et de l'action se contracte, l'accĂšs Ă l'intuition est facilitĂ©, la nĂ©cessitĂ© d'une convergence entre la composition et la rĂ©alisation se fait plus pressante. L'urgence n'est dĂšs lors plus vĂ©cue comme une contrainte, mais comme une opportunitĂ©. Elle permet la flexibilitĂ© de la pensĂ©e et non sa rigiditĂ©. Ă ce moment prĂ©cis, l'homme retrouve dans l'instant sa propre temporalitĂ© et sa propre identitĂ©. Il renoue avec son intuition et ses savoirs tacites. Il peut envisager de transcender des limites que l'Ă©paisseur du temps lui impose circuit de dĂ©cision, rationalisation et justification des dĂ©cisions et de l'action. ConfrontĂ©s Ă la logique du gain et de la vitesse qui est celle de la connexion, de la mise en synchronie et de l'urgence, deux types d'individus Ă©mergent aux deux extrĂȘmes de cette logique. D'un cĂŽtĂ©, l'individu adaptĂ©, multibras, multiprise » qui jouit de l'accĂ©lĂ©ration, bondit d'un sujet Ă l'autre et jette un Ćil fĂ©brile sur un flash d'infos en sentant vibrer son tĂ©lĂ©phone portable, de l'autre, l'individu pulvĂ©risĂ© par la vitesse d'une sociĂ©tĂ© qui l'Ă©crase parce qu'il ne peut plus y inscrire le moindre projet. Mais une autre logique existe, qui vise Ă ne pas se laisser dĂ©possĂ©der de sa propre temporalitĂ© et de ses propres rythmes et qui rĂ©introduit l'Ă©paisseur du temps de la maturation, de la rĂ©flexion et de la mĂ©ditation lĂ oĂč le heurt de l'immĂ©diat et de l'urgence oblige Ă rĂ©agir trop souvent sous le mode de l'impulsion »[2]. C'est dans la tension nĂ©cessaire entre ces deux logiques d'action, dans ce dialogue obligĂ© entre, d'un cĂŽtĂ© une contrainte d'urgence et d'immĂ©diatetĂ© qui hache et pulvĂ©rise le temps dans un contexte de sacralisation du prĂ©sent, de l'autre une tentative de reconquĂȘte de soi dans une continuitĂ© s'inscrivant dans un ordre de rĂ©fĂ©rence porteur de sens, que l'individu hypermoderne peut essayer de dĂ©finir un nouveau rapport au temps et tenter d'unifier une identitĂ© fragmentĂ©e." Nicole Aubert, Le culte de l'urgence. La sociĂ©tĂ© malade du temps, 2003, Champs essais, 2009, p. 339-342. [1] Charles Taylor, Le Malaise de la ModernitĂ©, Ăditions du Cerf, Paris, 1994, p. 123. [2] Francis JaurĂ©guiberry, Les branchĂ©s du portable. Sociologie des usages, Paris, PUF, 2003. CorrigĂ© proposĂ© PremiĂšre version qui, avant de compter les mots, dĂ©passait la limite impartie 117 mots Face Ă un monde en perpĂ©tuel changement, coupĂ©s du passĂ© et sans vision commune de l'avenir, les individus doivent / aujourd'hui constamment s'adapter. Par ailleurs, les nouvelles technologies ont elles aussi profondĂ©ment transformĂ© notre relation au temps nous avons / dĂ©sormais affaire Ă un temps sans durĂ©e, oĂč seul subsiste un Ă©ternel prĂ©sent. Ce temps est un temps de l'/ urgence et de l'instantanĂ©itĂ©, qui peuvent ĂȘtre vĂ©cues soit comme des contraintes, soit comme des moyens d'exercer notre / libertĂ©. Ainsi, certains s'adaptent Ă l'accĂ©lĂ©ration du temps et en jouissent, tandis que d'autres sont Ă©crasĂ©s par / elle. Une troisiĂšme voie est toutefois possible on peut retrouver le temps pour se retrouver soi-mĂȘme. DeuxiĂšme version ajustĂ©e Face Ă un monde qui change constamment, les individus, coupĂ©s du passĂ© et sans vision commune de l'avenir, doivent / impĂ©rativement s'adapter. Les nouvelles technologies ont aussi profondĂ©ment transformĂ© notre relation au temps nous avons dĂ©sormais affaire Ă un / temps sans durĂ©e, ramenĂ© Ă un Ă©ternel prĂ©sent. Ce temps est celui de l'urgence et de l'instantanĂ©itĂ©, qui / peuvent ĂȘtre vĂ©cues soit comme des contraintes, soit comme des moyens d'exercer notre libertĂ©. Ainsi, certains s'adaptent Ă / l'accĂ©lĂ©ration du temps et en jouissent, tandis que d'autres sont Ă©crasĂ©s par elle. Une troisiĂšme voie est toutefois / possible retrouver le temps pour se retrouver soi-mĂȘme. 109 mots Retour en haut de page - Vous rĂ©sumerez le texte suivant en 100 mots ± 10% "Alors que nous pouvons mesurer objectivement le temps Ă l'aide d'une pendule, l'expĂ©rience du temps, sa durĂ©e intĂ©rieure », est un phĂ©nomĂšne subjectif et insaisissable. Une demi-heure peut ĂȘtre incroyablement courte ou atrocement longue, selon les circonstances et les activitĂ©s dans lesquelles nous sommes engagĂ©s. Cependant, les recherches empiriques ont vraiment fourni quelques rĂ©sultats tout Ă fait cohĂ©rents et surprenants au sujet de notre expĂ©rience intĂ©rieure du temps. Nous pouvons ainsi vĂ©rifier aisĂ©ment Ă partir de notre propre expĂ©rience et de notre propre mĂ©moire le phĂ©nomĂšne appelĂ© paradoxe subjectif du temps ». Il signifie que le temps de l'expĂ©rience et le temps du souvenir ont des qualitĂ©s inverses si vous faites quelque chose qui vous plaĂźt vraiment, et que vous en ressentez beaucoup d'impressions fraĂźches, intenses et stimulantes, le temps s'Ă©coule normalement trĂšs vite. Mais lorsqu'Ă la fin de la journĂ©e vous vous retournez, vous avez inĂ©vitablement le sentiment que la journĂ©e a Ă©tĂ© extrĂȘmement longue. Pensez, par exemple, Ă un voyage de vacances entre, disons, Stockholm et la CĂŽte d'Azur. Vous vous levez tĂŽt le matin pour prendre un ferry puis un avion pour Munich, faites un petit tour en ville, passez quelque temps dans les Alpes et, le soir venu, vous ĂȘtes assis dans un joli cafĂ© au bord de la mer MĂ©diterranĂ©e. Lorsque vous vous couchez le soir, vous pouvez penser qu'en fait vous avez commencĂ© votre voyage, Ă Stockholm, il y a deux ou trois jours. Ainsi, un temps passant rapidement un temps bref dans l'expĂ©rience vĂ©cue, se transforme en un temps Ă©tendu un temps long dans la mĂ©moire. Mais l'inverse est Ă©galement vrai. Pensez Ă une journĂ©e que vous passez Ă vous ennuyer Ă attendre pendant des heures Ă la gare et dans un travail de bureau quelconque, et peut-ĂȘtre avec du temps supplĂ©mentaire passĂ© Ă attendre dans un embouteillage. Pendant que vous attendez, bien sĂ»r, le temps semble s'Ă©tirer miraculeusement vous avez l'impression d'attendre assis pendant des heures alors qu'en fait la pendule montre que dix minutes seulement sont passĂ©es. Le temps avance lentement. Lorsque vous allez au lit Ă la fin d'une telle journĂ©e, vous avez cependant l'impression que vous venez de vous lever de façon miraculeuse, on dirait que la journĂ©e s'est Ă©coulĂ©e comme si rien ne s'Ă©tait passĂ© ». Le temps lent et long de l'expĂ©rience se transforme en un temps bref dans la mĂ©moire. Jusqu'ici tout va bien, ce n'est ni nouveau ni particuliĂšrement rĂ©voltant. Mais c'est ici que les choses deviennent passionnantes dans notre monde de la modernitĂ© tardive, il semble que ces formes d'expĂ©rience classiques » du temps, long/bref ou bref/long, sont progressivement remplacĂ©es par une nouvelle forme d'expĂ©rience du temps qui, de façon intĂ©ressante, suit un motif bref/bref » pensez Ă ce qui se passe lorsque vous rentrez chez vous et que vous dĂ©cidez de zapper vite fait » en parcourant les programmes tĂ©lĂ©. Vous pouvez trĂšs facilement en arriver Ă zapper et Ă regarder des bouts de programmes pendant des heures, ou bien rester sur un thriller particuliĂšrement passionnant, et le temps s'Ă©coule de maniĂšre imperceptible et trĂšs rapidement, comme pendant le voyage. Et, comme pendant le voyage, vous recevez beaucoup de stimulations et votre cĆur peut se mettre Ă battre trĂšs fort lorsque le tueur se cache au coin de la rue. Cependant, dĂšs que vous Ă©teignez le tĂ©lĂ©viseur, le temps ne commence pas Ă s'Ă©tendre comme il le faisait aprĂšs le voyage, au lieu de cela il se rĂ©duit Ă presque rien. Lorsque vous vous couchez ce soir-lĂ , la pĂ©riode passĂ©e Ă regarder la tĂ©lĂ©vision s'Ă©vapore, comme dans l'expĂ©rience du temps long/bref ; si vous avez passĂ© la majeure partie de la journĂ©e Ă regarder la tĂ©lĂ©, vous avez l'impression que vous venez de vous lever. Ce qui Ă©merge est donc un motif bref/bref le temps vĂ©cu passe vite mais il rĂ©trĂ©cit dans la mĂ©moire. ” Cela dit, si cela se passait uniquement avec la tĂ©lĂ©vision, cela n'aurait rien de particulier. Nous savons dĂ©jĂ que l'Ă©cran de tĂ©lĂ© nous fait subir des choses Ă©tranges. Je soutiens cependant que le motif bref/bref est bien plus rĂ©pandu que cela dans notre monde vĂ©cu de la modernitĂ© tardive. Une expĂ©rience identique se produit lorsqu'on surfe sur Internet, ou lorsqu'on joue Ă certains types de jeux vidĂ©o. ConsidĂ©rons un instant quelles raisons nous pourrions dĂ©couvrir Ă cette inversion expĂ©rientielle du temps. La diffĂ©rence entre la tĂ©lĂ©vision et le voyage est Ă mon sens de deux sortes premiĂšrement, le voyage implique tous nos sens, c'est une expĂ©rience corporelle dans tous ses aspects. En revanche, regarder la tĂ©lĂ© est une expĂ©rience dĂ©sensualisĂ©e » nous bougeons Ă peine la tĂȘte, tous les Ă©lĂ©ments arrivent Ă nos yeux selon une perspective trĂšs limitĂ©e, et il n'y a aucune perception par notre peau, notre nez, etc. DeuxiĂšmement, l'histoire ou les histoires dans lesquelles nous sommes immergĂ©s lorsque nous regardons la tĂ©lĂ© ou lorsque nous jouons Ă un jeu vidĂ©o sont dĂ©contextualisĂ©es elles n'ont rien Ă voir avec ce que nous sommes et avec qui nous sommes, avec ce que nous ressentons et avec le reste de notre vie. Elles ne rĂ©pondent » pas de façon significative Ă nos expĂ©riences ou Ă nos Ă©tats intĂ©rieurs. Ainsi, durant ces activitĂ©s, nous assimilons des Ă©pisodes isolĂ©s » d'action ou d'expĂ©rience. Ces Ă©pisodes ne laissent pas de traces mĂ©morielles » dans nos cerveaux comme ils ne sont pas globalement pertinents pour nos vies ou nos identitĂ©s, et comme ils ne s'ajoutent pas Ă nos expĂ©riences passĂ©es, nous avons tendance Ă les oublier tout de suite et nous pouvons nous permettre de le faire. Cette tendance Ă l'effacement ou au refus du stockage des traces mĂ©morielles est, en fait, fort utile dans une sociĂ©tĂ© de l'accĂ©lĂ©ration oĂč l'expĂ©rience est la plupart du temps anachronique et inutile et oĂč l'on doit toujours se tenir prĂȘt pour ce qui est nouveau et imprĂ©vu. Mais il semble que ce soit la prĂ©sence ou l'absence de traces mĂ©morielles profondes qui dĂ©termine si le temps est perçu, avec le recul, comme Ă©tant bref ou long. Si ce qui prĂ©cĂšde est vrai et pertinent, alors nous avons de bonnes raisons de diagnostiquer une tendance gĂ©nĂ©rale vers un motif bref/bref de l'expĂ©rience temporelle moderne tardive." Hartmut Rosa, AliĂ©nation et accĂ©lĂ©ration. Vers une thĂ©orie critique de la modernitĂ©, 2010, tr. fr. Thomas Chaumont, La DĂ©couverte, 2012, p. 127-130. CorrigĂ©s proposĂ©s Bien que fondamentalement subjective, l'expĂ©rience du temps peut donner lieu Ă des expĂ©riences communes, comme celle du "paradoxe subjectif / du temps", qui inverse la durĂ©e de l'expĂ©rience et la durĂ©e du souvenir. C'est ainsi qu'une expĂ©rience / sensorielle riche, et nous impliquant personnellement, passera vite tout en paraissant longue dans notre mĂ©moire, car y laissant plus de / traces, tandis qu'une expĂ©rience qui nous a semblĂ© longue est rĂ©trĂ©cie dans notre souvenir. Or, aujourd'hui, on assiste avec / la tĂ©lĂ©vision et plus gĂ©nĂ©ralement les nouvelles technologies, Ă un phĂ©nomĂšne nouveau, propre Ă la "modernitĂ© tardive" la briĂšvetĂ© / de l'expĂ©rience du temps Ă©gale la briĂšvetĂ© du temps mĂ©moriel. 110 mots MalgrĂ© l'expĂ©rience subjective que nous avons du temps, nous connaissons tous l'inversion de la durĂ©e de l'expĂ©rience / vĂ©cue et de celle du souvenir, caractĂ©ristique du "paradoxe subjectif du temps". En effet, une expĂ©rience sensoriellement stimulante, et oĂč / nous sommes personnellement impliquĂ©s, passe vite mais laisse plus de traces dans notre mĂ©moire, si bien qu'elle nous semble / rĂ©trospectivement plus longue, alors qu'une expĂ©rience qui nous a semblĂ© longue se rĂ©trĂ©cit dans notre souvenir. Cependant, on assiste / aujourd'hui, avec l'avĂšnement des nouvelles technologies, Ă un phĂ©nomĂšne nouveau, propre Ă la "modernitĂ© tardive" Ă l'expĂ©rience brĂšve / du temps correspond dĂ©sormais un souvenir tout aussi bref. 109 mots Retour en haut de page Vous rĂ©sumerez le texte suivant en 120 mots ± 10 % "Le devenir est Ă la fois une marche Ă la mort et un progrĂšs crĂ©ateur. En tant que le devenir aboutit finalement au non-ĂȘtre, chaque annĂ©e et chaque jour et chaque heure me rapprochent de ce terme fatal ; oui, en tant que le devenir est mortification, chaque minute nous achemine vers le nĂ©ant. Baudelaire, Ă©coutant le tic-tac de l'horloge, Ă©pie dans l'angoisse l'usure inexorable des possibles et compte les minutes qui le sĂ©parent de la mort ; la marge de notre avenir et de notre espĂ©rance l'amenuise, grignotĂ©e par l'insecte du temps. Et de fait, quel que soit le moment considĂ©rĂ©, nous n'avons jamais Ă©tĂ© plus prĂšs de la mort ! Ce qui est vĂ©cu n'est plus Ă vivre, ce qui est perdu est autant de perdu⊠Un jour de plus â un jour de moins tel est le bilan journalier ! Dans ces conditions l'irrĂ©versible sans nulle palinodie et sans mĂȘme le plus lĂ©ger ralentissement assure l'implacable rĂ©gularitĂ© de la dĂ©perdition. Impossible de freiner le gaspillage des minutes, d'arrĂȘter la dilapidation, de fermer le robinet de la clepsydre. La phobie du mouvement et la phobie du devenir et du vieillir sont parfois solidaires, et il n'y a rien lĂ d'Ă©tonnant puisque l'idĂ©e d'un devenir sujet Ă l'usure et composĂ© d'instants en nombre fini est elle-mĂȘme une image spatiale ; aussi les sages nous disent-ils surtout ne bougez pas, et ne remuez mĂȘme pas le petit doigt ; l'homme qui Ă©coute ces recommandations n'ose plus se mouvoir ni mĂȘme vouloir, ni sortir, ni faire un pas ; il se roule en boule ; il se terre frileusement dans son trou il aurait bien trop peur de prĂ©cipiter son irrĂ©versible destin. Le poĂšte de l'Horloge est aussi celui des Hiboux ; l'immobilitĂ© hiĂ©ratique de l'oiseau nocturne nous met en garde contre le tumulte et contre le chĂątiment promis Ă ceux qui ont voulu changer de place »[1]. En condamnant les agitations sĂ©culiĂšres et le mouvement, les contemplatifs n'ont-ils pas voulu soustraire l'homme affairĂ© Ă la fuite irrĂ©versible des jours ? Or la fuite d'un passĂ© irrĂ©versible derriĂšre nous ne nous inspire le regret poignant que si la mort est, au-devant de nous, le seul avenir du devenir ; l'impossibilitĂ© de retenir cette fuite nous dĂ©sespĂšre prĂ©cisĂ©ment parce que les ressources du temps vital nous paraissent finies, parce que les instants sont comptĂ©s et parce que le temps consommĂ©, selon toute apparence, ne nous sera plus remplacĂ©. Mais si le devenir est envisagĂ© comme un progrĂšs crĂ©ateur, et abstraction faite de la mort, les instants rĂ©volus ne sont plus tellement prĂ©cieux. Bien au contraire ! Non seulement le temps Ă vivre compensera aisĂ©ment le temps vĂ©cu, mais en outre le fait de revenir en arriĂšre, s'il Ă©tait possible, ne consisterait qu'Ă reperdre le terrain gagnĂ© ; le retour serait tout simplement l'annulation de l'aller, le progrĂšs rĂ©duit Ă zĂ©ro. Heureusement l'irrĂ©versible ne nous laisse pas le choix le sens unique, c'est le progrĂšs obligatoire. Le dĂ©sespoir que nous inspire un passĂ© irrĂ©versible s'adoucit dans la calme lumiĂšre de la remĂ©moration et de la nostalgie ; la nostalgie en effet n'est pas seulement algie, elle nous parle aussi de nostos, elle nous laisse entrevoir le retour ; le nom de la souffrance implique celui de la cure. Et d'ailleurs la douleur elle-mĂȘme, qui est le mal, n'annonce-t-elle pas une guĂ©rison possible ? Que l'irrĂ©versible ne soit pas nĂ©cessairement liĂ© au regret et qu'il puisse nous inspirer la joie d'un continuel renouvellement â c'est ce dont tĂ©moignerait le bergsonisme. Bergson, dans l'Essai sur les donnĂ©es immĂ©diates de la consciente, dĂ©crit assurĂ©ment un devenir irrĂ©versible oĂč aucun Ă©vĂ©nement ne se rĂ©pĂšte, et pourtant il demeure en gĂ©nĂ©ral Ă©loignĂ© de toute nostalgie poignante, de toute mĂ©lancolie passĂ©iste. Bien que l'Essai date de la fin du siĂšcle, c'est-Ă -dire d'une Ă©poque particuliĂšrement nostalgique, Bergson ne dit jamais le moment oĂč je parle est dĂ©jĂ loin de moi ; l'impossibilitĂ© de revivre ce que jamais on ne verra deux fois » ne lui inspire aucun dĂ©sespoir. MatiĂšre et mĂ©moire souligne sans cesse la diaphora qualitative qui diffĂ©rencie passĂ© et prĂ©sent, souvenir et perception, mais il passe pudiquement sur l'irrĂ©parable et sur le dĂ©jĂ -plus. C'est Verlaine qui est inconsolable, et non pas Bergson. C'est pour HĂ©raclite, non pour Bergson, que le devenir est une fuite, un flux insaisissable, et qu'il glisse entre nos doigts ! La durĂ©e » bergsonienne est au contraire consistante et fidĂšle le mot mĂȘme de durĂ©e que Bergson prĂ©fĂšre Ă Devenir, ne met-il pas l'accent sur la pĂ©rennitĂ© et la stabilitĂ©, sur la constance et la rĂ©sistance Ă la dissolution ? Le parfum d'une rose, grĂące Ă la mĂ©moire, est un passĂ© encore prĂ©sent. Bien mieux dans MatiĂšre et mĂ©moire la perception, pĂ©trie de souvenirs, est essentiellement tournĂ©e vers le modelage du rĂ©el et de l'Ă©dification du futur, c'est-Ă -dire vers l'action et la lutte pour l'existence ; si la durĂ©e n'est pas thĂ©saurisation, ni mĂȘme Ă proprement parler enrichissement, elle est pourtant crĂ©atrice. La langueur verlainienne, le passĂ©isme de Proust n'effleurent guĂšre le philosophe de la libertĂ©... Deux spectres ont Ă©voquĂ© le passĂ©. » Le languide qui refuse l'irrĂ©versible et qui est pourtant traĂźnĂ© vers l'avant, ce languide est un spectre au royaume des spectres. Mais les leçons de l'expĂ©rience et les projets de l'espĂ©rance prennent le pas, chez Bergson, sur le charme navrant des choses en-allĂ©es » le regret stĂ©rile, la rĂ©trospectivitĂ© retardatrice qui fascinaient les nostalgiques sont refoulĂ©s par un activisme attentif au prĂ©sent. On ne s'Ă©tonnera donc pas que Bergson Ă©carte de son horizon la barriĂšre de la mort. Sans la mort le regret de ce que jamais on ne verra deux fois, le regret des jours anciens qui plus jamais ne seront, le regret des occasions perdues ne seraient pas si amers ; sans la mort l'occasion manquĂ©e n'apparaĂźtrait pas aprĂšs coup si exceptionnellement prĂ©cieuse, et le regret de l'avoir laissĂ©e se perdre n'aurait en gĂ©nĂ©ral aucun sens pathĂ©tique. Car c'est la finitude de la carriĂšre vitale qui rend tellement irrĂ©mĂ©diables et incompensables le gaspillage des opportunitĂ©s et la fuite des instants bĂ©nis notre fidĂ©litĂ© posthume Ă un passĂ© semelfactif, notre attachement maladif Ă la rencontre manquĂ©e s'expliquent ainsi par le fait que la succession des fois » primultimes ne se renouvellera pas indĂ©finiment; ce qui est perdu ne sera pas retrouvĂ©... Ă l'arriĂšre-plan du Lac de Lamartine, de l'Horloge de Baudelaire et du Colloque sentimental de Verlaine n'y a-t-il pas, en dĂ©finitive, le tragique de la mort ? Le languide entraĂźnĂ© Ă contrecoeur par le devenir ne cesse de loucher vers le souvenir ; mais le futuriste, consentant de bonne grĂące au devenir, assimile le souvenir en vue de l'avenir. S'ouvrir au futur que la futurition nous rĂ©serve, ce n'est donc pas forcĂ©ment oublier le passĂ© que la prĂ©tĂ©rition nous conserve. Si la libertĂ© crĂ©atrice est vraiment tournĂ©e vers l'avant et ouverte sur la futurition aventuriĂšre, alors il nous faut dire oui, l'irrĂ©versible va bien dans le mĂȘme sens que la libertĂ© crĂ©atrice ! Certes le mot irrĂ©versible n'indique pas par lui-mĂȘme que le devenir marche vers un but prĂ©cis dont le nom serait Futur il indique seulement que ce sens ne peut ĂȘtre renversĂ©, fĂ»t-ce un instant ; et cette impossibilitĂ© exprime notre servitude plutĂŽt qu'elle n'affirme notre libertĂ©. Mais l'irrĂ©parabilitĂ© du passĂ© n'est-elle pas l'organe-obstacle d'une libre futurition ? Le devenir est une sorte d'improvisation aveugle et qui ne cesse de progresser malgrĂ© des pĂ©riodes de piĂ©tinement et d'apparent recul. Et d'autre part ce sens unique du devenir, Ă©tant non pas accidentel ni susceptible de rebroussements, de dĂ©viations ou de zigzags capricieux, mais constamment tournĂ© vers la nouveautĂ© et l'actualisation des possibles, mĂ©rite de s'appeler futurition." Vladimir JankĂ©lĂ©vitch, L'irrĂ©versible et la nostalgie, 1974, Flammarion, Champs essais, 2011, p. 230-234. [1] Cf. La BeautĂ©. CorrigĂ© proposĂ© Nous nous acheminons irrĂ©mĂ©diablement vers la mort, terme de notre vie. Le temps qui nous sĂ©pare de ce terme Ă©tant / fini, chaque jour nous est comptĂ©. Cela a pu conduire certains Ă prĂŽner l'immobilitĂ©, dans le but illusoire d'/ annuler le devenir. Cependant, on peut aussi voir le devenir comme un progrĂšs crĂ©ateur. DĂšs lors, il n'y a / nulle angoisse ni nostalgie Ă avoir, car l'avenir est toujours devant nous. C'est ce dont tĂ©moigne Bergson, dont / la durĂ©e est conçue comme crĂ©atrice. Faisant fi de la mort qui s'avance, il s'agit donc non pas / de s'enfermer dans le souvenir, mais de se servir de celui-ci pour s'ouvrir au futur, et par lĂ / de rĂ©aliser sa libertĂ©. 124 mots Retour en haut de page RĂ©sumer en 200 mots le texte suivant. Un Ă©cart de 10% en plus ou en moins sera acceptĂ©. Distinguer chaque tranche de 50 mots par une barre verticale bien nette et indiquer le total exact Ă la fin du rĂ©sumĂ©. "L'instant du choix, qui est celui de l'actualisation, rapproche l'un de l'autre jusqu'Ă les faire coĂŻncider le regret et l'espoir l'intervalle compris entre le futur prochain et le passĂ© immĂ©diat est devenu si bref que la volontĂ© Ă©prouve presque simultanĂ©ment la joie de son emprise crĂ©atrice sur l'avenir et l'amertume des possibles dĂ©florĂ©s ; non, il n'y a presque plus Ă attendre pour que l'avenir de notre libertĂ© cesse d'ĂȘtre Ă venir » et devienne chose advenue et rĂ©volue ! Dans le prĂ©sent indivis du choix le futur est en instance de passĂ©isation », sur le point de ou mĂȘme en train de se dĂ©poser ; la prĂ©tĂ©rition Ă partir d'ici n'est plus que le verso de la futurition. Le prĂ©sent de la dĂ©cision est donc en quelque sorte le seuil ou, si l'on prĂ©fĂšre, la charniĂšre de l'espoir et du regret dans l'ambivalence du mĂȘme sentiment coĂŻncident un regret encore gonflĂ© d'espoir et un espoir dĂ©jĂ lestĂ© de lourds regrets. Ă espĂ©rance infinie, regret infini ! Le regret du passĂ© en gĂ©nĂ©ral et l'espoir de la possibilitĂ© inĂ©puisablement renaissante en gĂ©nĂ©ral ne sont pas des sentiments empiriques et partitifs, des sentiments psychologiques qui se neutraliseraient l'un l'autre comme se neutralisent le moins et le plus dans telles ou telles circonstances particuliĂšres, et quand les raisons d'espĂ©rer et les raisons de regretter sont comparables, il y a matiĂšre Ă dĂ©libĂ©ration et Ă supputation ; si les raisons inverses sont Ă©quipollentes[1] de part et d'autre, la volontĂ© hĂ©sitante devrait en thĂ©orie demeurer au zĂ©ro d'indiffĂ©rence ; et s'il y a diffĂ©rence, une volontĂ© raisonnable devrait logiquement incliner soit dans un sens soit dans l'autre, sa prĂ©fĂ©rence Ă©tant la rĂ©sultante de deux motivations inĂ©gales. Mais le regret infini d'un passĂ© plus profond que la mer et l'espoir infini d'un futur plus vaste que le ciel sont des sentiments incomparables et incommensurables ; l'alternative de deux infinis ne saurait ĂȘtre rĂ©solue par un choix prĂ©fĂ©rentiel on la tranche aveuglĂ©ment ou, comme nous nous sommes habituĂ©s Ă le dire gordiennement », en vertu d'une option arbitraire qui est plutĂŽt de la nature du pari. Et d'autre part les deux sentiments » mĂ©tempiriques[2] ne se mĂ©langent pas l'un avec l'autre dans une combinaison stable et dosĂ©e dĂ©finitivement, ni ne forment un complexe oĂč les raisons de dĂ©sespĂ©rer viendraient en dĂ©duction des motifs d'espoir ; non ! il faudrait dire bien plutĂŽt la conscience oscille sans cesse entre l'irrĂ©mĂ©diable passĂ©itĂ© du passĂ© et l'inĂ©puisable futuritĂ© de l'avenir ; entre un passĂ© infini qui est le dĂ©positoire des choses devenues, advenues ou rĂ©volues, et un futur infini qui Ă perte de vue garde en rĂ©serve au-devant de nous ses possibles continuellement renouvelĂ©s. Cette alternance n'est-elle pas la vibration fondamentale du temps vĂ©cu ? La dissymĂ©trie du regret et de l'espoir exprime sous une autre forme la nature essentiellement impaire de l'irrĂ©versible on reconnaĂźt donc en elle le pouvoir Ă sens unique qui caractĂ©rise la demi-libertĂ© de l'ĂȘtre intermĂ©diaire. Le regret est le sentiment spĂ©cifique exhalĂ© par l'irrĂ©versible ; mais l'irrĂ©versible, indirectement, se lit aussi dans l'espoir l'homme dĂ©solĂ© par la prĂ©tĂ©rition qui passĂ©ise » ses projets se console en formant d'autres projets ; l'homme vieillissant se rĂ©fugie dans les chimĂšres du futur ; l'homme déçu spĂ©cule sur un avenir meilleur c'est ainsi que le repentir, dĂ©jĂ tournĂ© vers les Ćuvres et les devoirs du lendemain, offre une Ă©vasion au passĂ©isme accablant du remords. Une autre fois nous ferons mieux ! La volontĂ© s'engage ainsi dans la seule issue que lui laisse son destin, et qui est la carriĂšre de la libertĂ©. La marche en avant, c'est-Ă -dire la futurition est pour les hommes le sens unique et obligatoire â mais dans cette direction imposĂ©e tout est possible ; la retraite Ă©tant coupĂ©e, une seule voie nous demeure ouverte, qui est la voie du futur. La futurition n'est pas une fuite en arriĂšre puisque le retour est impossible, mais paradoxalement une fuite en avant ! une fuite vers l'horizon infiniment lointain. L'espoir exprime donc bien, Ă sa maniĂšre elpidienne[3] et progressiste, la misĂšre de l'irrĂ©versible. On peut comprendre pourquoi l'espoir est moins pathique que le regret, moins intensĂ©ment imprĂ©gnĂ© par la saveur de la qualitĂ© et de l'affectivitĂ© vĂ©cues. Mouvement simple et direct, et dĂ©barrassĂ© du souci de la rĂ©version, l'espoir n'a guĂšre le loisir de ressentir ce qu'il sent, ni de ressentir ce qu'il ressent. Ce n'est pas l'espoir, c'est le regret qui s'attarde dans les ruminations mĂ©lancoliques de la conscience-de-soi ; ce n'est pas l'espoir, c'est le regret qui suppose [âŠ] l'impuissance, l'ambivalence et la lenteur ; c'est dans le regret que se dĂ©veloppe le parfum des choses rĂ©volues. L'espoir, lui, a autre chose Ă faire qu'Ă respirer ce parfum des souvenirs poĂ©tiques et d'un passĂ© impuissant ! Et d'abord, l'espoir a justement quelque chose Ă faire ». Ses devoirs envers l'idĂ©al l'empĂȘchent de rĂȘver sur le passĂ©, d'Ă©piloguer Ă son propos. â Et pourtant il nous faut redire des rapports de l'espoir et du vĆu ce que nous disions des rapports entre l'espoir et le regret. L'espoir est intermĂ©diaire entre le regret et le vĆu d'une part, la volontĂ© d'autre part ; il est toutefois plus difficile Ă distinguer du vĆu et de la volontĂ©, en tant qu'il regarde comme eux vers le futur ; car il y a trois maniĂšres d'en user avec le futur le vouloir, l'espĂ©rer ou le souhaiter. L'espoir s'oppose doublement au regret, qui est impuissant et regarde vers le passĂ©, mais il se distingue aussi du vĆu par la ferveur et le sĂ©rieux de son engagement. EspĂ©rer, c'est prendre position, et parfois mĂȘme prendre parti l'espĂ©rance joue que telle ou telle cause, dont elle se proclame solidaire, l'emportera ; elle en fait profession et ne craint pas de se compromettre ; elle a pariĂ© pour la victoire et organisĂ© tout son avenir en fonction de cette Ă©ventualitĂ© ; elle fait dĂ©pendre sa destinĂ©e tout entiĂšre du combat qui se livre, sa destinĂ©e est l'enjeu suspendu Ă l'issue de ce combat. Plus prĂ©cisĂ©ment encore l'espĂ©rance est moins militante que la volontĂ©, mais elle est moins platonique que le vĆu. D'une part l'espĂ©rance, si elle accompagne l'activitĂ© des autres, n'est pas elle-mĂȘme cette activitĂ© ; elle n'en est que la doublure idĂ©elle ; aussi est-elle, comme tout sentiment, impuissante et dĂ©risoirement inefficace ; espĂ©rer, ce n'est pas faire, et pas plus que crier haut les cĆurs ! » aux combattants ce n'est combattre soi-mĂȘme. L'espĂ©rance n'implique pas nĂ©cessairement le faire » encore qu'elle n'exclue pas physiquement le pouvoir-faire. Et c'est mĂȘme ce que les militants de l'armĂ©e active reprochent Ă l'armĂ©e inactive de l'espĂ©rance ils reprochent aux hommes de l'espoir de laisser en jachĂšre leur pouvoir ; ils leur disent Venez avec nous ! Faites comme nous ! Aidez-nous ! On peut espĂ©rer sans faire, et rĂ©ciproquement on peut faire sans espĂ©rer... Non ! il n'est pas nĂ©cessaire d'espĂ©rer pour entreprendre. C'est ce dont tĂ©moigne le combat parfois dĂ©sespĂ©rĂ© des RĂ©sistants, CavaillĂšs, Cuzin, Jacques Decour... ceux qui n'avaient mĂȘme pas le loisir de ressentir leurs propres sentiments luttaient souvent sans espoir, soutenus par le seul acharnement de leur Ă©nergie et de leur volontĂ©. - Mais si l'espĂ©rance est relativement impuissante par rapport au militantisme de l'action, elle est relativement militante par rapport au dĂ©sir, aux priĂšres et aux vĆux ; optative » par rapport Ă l'impĂ©ratif du vouloir, elle est impĂ©rative par rapport Ă l'optatif[4] des souhaits ; par opposition au vĆu elle est plutĂŽt volontaire, comme elle est plutĂŽt affective par opposition Ă la volontĂ©." Vladimir JankĂ©lĂ©vitch, L'irrĂ©versible et la nostalgie, 1974, Flammarion, Champs essais, 2011, p. 168-171 et 176-177. [1] Ăquipollent Ă©quivalent. [2] MĂ©tempirique qui dĂ©passe lâexpĂ©rience. [3] Dans la mythologie grecque, Elpis est la personnification de l'espoir. [4] Optatif qui exprime le souhait. CorrigĂ© proposĂ© En choisissant, nous faisons se rejoindre le regret de ce qui, tout juste passĂ©, ne sera plus jamais, et l' / espoir de l'avenir, qu'il nous reste Ă construire. Cependant, ce n'est pas parce que, de cette maniĂšre, / le regret se mĂȘle Ă l'espoir, et vice-versa, qu'ils pourraient s'annuler. En rĂ©alitĂ©, notre conscience ne / fait que passer alternativement de l'un Ă l'autre. Tandis que le regret est la manifestation premiĂšre du caractĂšre / irrĂ©versible du temps c'est aussi, paradoxalement, le cas de l'espoir. En effet, c'est parce que le retour / en arriĂšre est impossible qu'il ne nous reste plus qu'Ă nous projeter vers un avenir dans lequel, seul, / rĂ©side notre libertĂ©. C'est pourquoi nous sommes plus affectĂ©s par le regret que par l'espoir le premier consiste / Ă ressentir notre impuissance, tandis que le second est tout entier tendu vers son objet. L'espoir s'oppose donc / au regret, mais il se distingue aussi de la volontĂ© et du vĆu. D'une part, contrairement Ă celui qui / se contente de souhaiter, celui qui espĂšre s'engage vĂ©ritablement pour son idĂ©al. D'autre part, s'il n'est / pas nĂ©cessaire d'espĂ©rer pour faire, et qu'Ă l'inverse, il n'est pas nĂ©cessaire de faire pour espĂ©rer, / on ne peut vouloir sans agir. 206 mots Retour en haut de page Vous rĂ©sumerez le texte en 100 mots ± 10 % en ne vous attachant qu'aux grands mouvements de la pensĂ©e. "On s'ennuie du prĂ©sent, on dĂ©sire languissamment une situation oĂč l'on n'est pas et dont on s'ennuie, quand on y est, comme de l'autre. Celle-ci Ă son tour fait l'objet du regret tant il est vrai que l'imagination se nourrit de l'irrĂ©el, du passĂ© ou de l'avenir, au lieu que le prĂ©sent est l'austĂšre rempart d'une forte pensĂ©e, la colonne de l'esprit. Nous cherchons toujours Ă Ă©chapper au prĂ©sent parce que nous sommes sans courage pour le soutenir. C'est parce qu'il est sous nos yeux que nous dĂ©tournons le regard. C'est parce qu'il sollicite notre action que nous faisons appel pour nous en dĂ©livrer Ă toutes les puissances du rĂȘve. Il ne commence Ă nous intĂ©resser qu'Ă partir du moment oĂč nous pressentons que nous trouverons plaisir Ă nous en souvenir. Et les Ă©vĂ©nements les plus familiers, ceux dont nous n'avons rien su tirer autrefois et qui ne produisaient en nous que de l'indiffĂ©rence et de l'ennui au moment oĂč ils avaient lieu, acquiĂšrent un charme mystĂ©rieux quand ils ne sont plus pour nous que des images ; c'est qu'ils nous donnent alors un moyen de nous Ă©vader du prĂ©sent et que nous ne nous sentons plus menacĂ©s de les revivre. Le passĂ© sert parfois Ă nous consoler de l'imperfection de notre conduite actuelle en nous reprĂ©sentant d'anciens succĂšs qui nous rassurent sur ce que nous valons mais cette comparaison ne suffit pas Ă nous faire illusion et elle nous laisse beaucoup d'amertume. Il arrive encore, quand les souvenirs de mon passĂ© me montrent un spectacle trop Ă©loignĂ© de ma vie prĂ©sente, que j'hĂ©site Ă les reconnaĂźtre comme miens en eux je me cherche et en eux pourtant aussi je me quitte. Il arrive enfin, quand ils ont trop de force et de douceur, que c'est le prĂ©sent mĂȘme que je considĂšre comme un rĂȘve. Mais je m'Ă©vade aussi du prĂ©sent par l'attente de l'avenir. Il y a des gens qui attendent pendant toue leur vie un avenir oĂč ils pourront enfin commencer de vivre or cet avenir ne se produira jamais. Ainsi, leur pensĂ©e va toujours au-devant de ce qui n'est pas, mais elle est impuissante devant ce qui est. Ils sont semblables au prisonnier qui ne vit que de l'espoir d'une libertĂ© qui peut-ĂȘtre ne lui sera jamais donnĂ©e ou que peut-ĂȘtre il ne saura point employer. Mais pour eux la mort survient toujours dans la pĂ©riode d'attente ; et ils n'ont plus derriĂšre eux qu'une existence vide. C'est qu'en attendant de vivre, ils n'attendaient que de mourir. Entre la misĂšre que tel moment du temps nous apporte et le bonheur que tel autre moment nous promet il y a une diffĂ©rence de degrĂ© qui est souvent illusoire. Mais entre le prĂ©sent de l'ĂȘtre et le nĂ©ant de l'attente, il y a l'infini. Certaines gens par contre ont une hĂąte fĂ©brile de vivre, d'enfermer d'un seul coup dans le prĂ©sent tout l'avenir qui leur est rĂ©servĂ© leur coeur est aussi ardent que celui des premiers Ă©tait languissant. Mais le prĂ©sent doit nous suffire et nous combler car tout l'Ătre s'y trouve. L'avenir ne nous apportera rien de nouveau que le prĂ©sent dĂ©jĂ ne contienne si nous sommes capables de l'y dĂ©couvrir il est donc vain de chercher Ă le deviner, de s'y complaire par le rĂȘve, de faire effort pour y courir. Celui qui est uni Ă Dieu ne connaĂźt ni impatience ni hĂąte ; quelles que soient les tristesses que l'instant lui apporte, il sait rester Ă la place qui lui est assignĂ©e par l'ordre de la nature. Il aime l'Ă©tendue de sa tĂąche actuelle, il en aime l'humilitĂ©, il y applique sa volontĂ© et, dans ses limites, il fait tenir l'illimitĂ©. C'est en elles qu'il Ă©prouve les fortes joies d'ĂȘtre, de voir, d'agir et d'aimer. " Louis Lavelle, La conscience de soi, 1933. L'imagination nous fait prĂ©fĂ©rer l'irrĂ©el du passĂ© et / de l'avenir, que nous regrettons ou espĂ©rons, au prĂ©sent / bien rĂ©el. Car le prĂ©sent rĂ©clame la luciditĂ© et l' / action. Il ne nous plaĂźt que quand il est souvenir / en puissance. Nous nous Ă©vadons alors dans deux directions le / passĂ©, Ă la lumiĂšre duquel le prĂ©sent parfois devient irrĂ©el ; / et un avenir chimĂ©rique. Aussi quand la mort vient, on / n'a pas commencĂ© Ă vivre. Pourtant, le prĂ©sent devrait / nous combler, car il contient tout l'avenir. Mais seule / l'union Ă Dieu permet d'accepter le prĂ©sent pour / ce qu'il est, et de vivre alors vĂ©ritablement. 109 mots Retour en haut de page Vous rĂ©sumerez le texte suivant en 100 mots + ou - 10% "L'idĂ©e que les hommes auraient depuis toujours apprĂ©hendĂ© les sĂ©ries d'Ă©vĂ©nements sous la forme qui domine dans les sociĂ©tĂ©s contemporaines, celle de sĂ©quences temporelles intĂ©grĂ©es dans un flux rĂ©gulier, uniforme et continu, est contredite par toutes sortes de faits observables aussi bien dans le passĂ© qu'aujourd'hui. Les corrections apportĂ©es par Einstein au concept newtonien du temps illustrent cette muabilitĂ© de la notion de temps Ă l'Ă©poque moderne. Einstein a montrĂ© que la reprĂ©sentation newtonienne d'un temps unique et uniforme Ă travers toute l'Ă©tendue de l'univers physique n'Ă©tait pas soutenable. Pour peu que l'on se tourne vers des stades antĂ©rieurs de l'Ă©volution des sociĂ©tĂ©s humaines, on trouvera de multiples exemples de telles mĂ©tamorphoses dans la maniĂšre de vivre et de conceptualiser ce que nous appelons aujourd'hui le temps ». Le concept de temps, dans l'usage que nous en faisons, se situe Ă un haut niveau de gĂ©nĂ©ralisation et de synthĂšse qui prĂ©suppose un trĂšs riche fonds social de savoir quant aux mĂ©thodes de mesure des sĂ©quences temporelles et aux rĂ©gularitĂ©s qu'elles prĂ©sentent. Il est clair que les hommes des stades antĂ©rieurs ne pouvaient possĂ©der un tel savoir, non qu'ils fussent moins intelligents », que nous, mais parce que ce savoir demande par nature beaucoup de temps pour se dĂ©velopper. Parmi les plus anciens instruments de mesure du temps figuraient les mouvements du soleil, de la lune et des Ă©toiles. Nous disposons aujourd'hui d'une reprĂ©sentation trĂšs claire de ces mouvements, de leurs connexions et de leurs rĂ©gularitĂ©s. Mais nos lointains ancĂȘtres n'Ă©taient pas encore en mesure de mettre en relation les multiples mouvements des corps cĂ©lestes Ă l'intĂ©rieur d'une reprĂ©sentation unitaire relativement intĂ©grĂ©e. Ils se trouvaient devant une multitude d'Ă©vĂ©nements individuels, dĂ©pourvus de connexions claires ou reliĂ©s par des relations imaginaires assez instables. Or, sans Ă©talon de mesure fixe pour apprĂ©cier la durĂ©e des Ă©vĂ©nements, on ne saurait possĂ©der un concept du temps semblable au nĂŽtre. En outre, nos ancĂȘtres pensaient et communiquaient en utilisant des concepts plus concrets », dirait-on aujourd'hui, que les nĂŽtres. Un concept ne pouvant ĂȘtre, Ă proprement parler, concret », il serait probablement plus exact d'Ă©voquer ici des synthĂšses particularisantes » ou de bas niveau ». Ainsi, Ă certaines Ă©poques, les hommes utilisaient la notion de sommeil » lĂ oĂč nous parlerions de nuit », celle de lune » lĂ oĂč nous parlerions de mois », celle de moisson » ou de rĂ©colte » lĂ oĂč nous parlerions d' annĂ©e ». L'une des difficultĂ©s sur lesquelles bute toute enquĂȘte sur le temps est l'absence d'une thĂ©orie Ă©volutionnaire de l'abstraction ou, plus exactement, de la synthĂ©tisation. Ces transformations menant des synthĂšses particularisantes aux synthĂšses gĂ©nĂ©ralisantes comptent parmi les Ă©volutions les plus significatives en ce domaine. Mais la place nous manque ici pour les analyser plus en dĂ©tail. Ă cela s'ajoute le fait que si certaines unitĂ©s de temps, comme le jour », le mois », l' annĂ©e », etc., s'ajustent aujourd'hui sans heurt dans nos divers calendriers et Ă©phĂ©mĂ©rides, il n'en a pas toujours Ă©tĂ© de mĂȘme dans le passĂ©. En fait, l'expĂ©rience du temps comme flux uniforme et continu n'est devenue possible que par le dĂ©veloppement social de la mesure du temps, par l'Ă©tablissement progressif d'une grille relativement bien intĂ©grĂ©e de rĂ©gulateurs temporels, tels que les montres Ă mouvement continu, la succession continue des calendriers annuels, les Ăšres enjambant les siĂšcles nous vivons aujourd'hui au XXe siĂšcle aprĂšs la naissance du Christ. LĂ oĂč ces instruments font dĂ©faut, cette expĂ©rience du temps fait Ă©galement dĂ©faut." Norbert Elias, Du temps, 1984, tr. fr. MichĂšle Hulin, Fayard, p. 46-47. CorrigĂ© proposĂ© Les hommes n'ont pas toujours conçu le temps comme nous le faisons aujourd'hui, Ă savoir comme un "flux rĂ©gulier, / uniforme et continu". Une telle conception nĂ©cessite en effet un effort d'abstraction et de synthĂšse, ainsi que des outils / et des mĂ©thodes de mesure du temps notamment un Ă©talon de mesure fixe dont ne disposaient pas les hommes des / Ă©poques passĂ©es, lesquels s'orientaient temporellement Ă l'aide d'Ă©vĂ©nements naturels ou sociaux tangibles. Une mesure sociale du temps / doit en particulier se dĂ©velopper, qui fait appel Ă des outils de rĂ©gulation et d'intĂ©gration des sĂ©quences temporelles, comme / les montres et les calendriers. 105 mots Retour en haut de page Vous rĂ©sumerez le texte suivant en 100 mots + ou - 10% "Pas plus que l'espace, le Temps n'est, pour l'homme religieux, homogĂšne ni continu. Il y a les intervalles de Temps sacrĂ©, le temps des fĂȘtes en majoritĂ©, des fĂȘtes pĂ©riodiques ; il y a, d'autre part, le Temps profane, la durĂ©e temporelle ordinaire dans laquelle s'inscrivent les actes dĂ©nuĂ©s de signification religieuse. Entre ces deux espĂšces de Temps, il existe, bien entendu, une solution de continuitĂ© ; mais, par le moyen des rites, l'homme religieux peut passer » sans danger de la durĂ©e temporelle ordinaire au Temps sacrĂ©. Une diffĂ©rence essentielle entre ces deux qualitĂ©s de Temps nous frappe d'abord le Temps sacrĂ© est par sa nature mĂȘme rĂ©versible, dans le sens qu'il est, Ă proprement parler, un Temps mythique primordial rendu prĂ©sent. Toute fĂȘte religieuse, tout Temps liturgique, consiste dans la rĂ©actualisation d'un Ă©vĂ©nement sacrĂ© qui a eu lieu dans un passĂ© mythique, au commencement. » Participer religieusement Ă une fĂȘte implique que l'on sort de la durĂ©e temporelle ordinaire » pour rĂ©intĂ©grer le Temps mythique rĂ©actualisĂ© par la fĂȘte mĂȘme. Le Temps sacrĂ© est par suite indĂ©finiment rĂ©cupĂ©rable, indĂ©finiment rĂ©pĂ©table. D'un certain point de vue, on pourrait dire de lui qu'il ne coule » pas, qu'il ne constitue pas une durĂ©e » irrĂ©versible. C'est un Temps ontologique par excellence, parmĂ©nidien »[1] toujours Ă©gal Ă lui-mĂȘme, il ne change ni ne s'Ă©puise. Ă chaque fĂȘte pĂ©riodique on retrouve le mĂȘme Temps sacrĂ©, le mĂȘme qui s'Ă©tait manifestĂ© dans la fĂȘte de l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente ou dans la fĂȘte d'il y a un siĂšcle c'est le Temps créé et sanctifiĂ© par les dieux lors de leurs gesta[2], qui sont justement rĂ©actualisĂ©s par la fĂȘte. En d'autres termes, on retrouve dans la fĂȘte la premiĂšre apparition du Temps sacrĂ©, telle qu'elle s'est effectuĂ©e ab origine, in illo tempore[3]. Car ce Temps sacrĂ© dans lequel se dĂ©roule la fĂȘte n'existait pas avant les gesta divins commĂ©morĂ©s par elle. En crĂ©ant les diffĂ©rentes rĂ©alitĂ©s qui constituent aujourd'hui le Monde, les dieux fondaient Ă©galement le Temps sacrĂ©, puisque le Temps contemporain d'une crĂ©ation Ă©tait nĂ©cessairement sanctifiĂ© par la prĂ©sence et l'activitĂ© divine. L'homme religieux vit ainsi dans deux espĂšces de Temps, dont la plus importante, le Temps sacrĂ©, se prĂ©sente sous l'aspect paradoxal d'un Temps circulaire, rĂ©versible et rĂ©cupĂ©rable, sorte d'Ă©ternel prĂ©sent mythique que l'on rĂ©intĂšgre pĂ©riodiquement par le truchement des rites. Ce comportement Ă l'Ă©gard du Temps suffit Ă distinguer l'homme religieux de l'homme non-religieux le premier se refuse de vivre uniquement dans ce qu'en termes modernes on appelle le prĂ©sent historique » ; il s'efforce de rejoindre un Temps sacrĂ© qui, Ă certains, Ă©gards, peut ĂȘtre homologuĂ© Ă l' ĂternitĂ© ». Il serait plus difficile de prĂ©ciser en peu de mots ce qu'est le Temps pour l'homme non-religieux des sociĂ©tĂ©s modernes. [âŠ] ce que l'on peut constater relativement Ă un homme non-religieux, c'est que lui aussi connaĂźt une certaine discontinuitĂ© et hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© du Temps. Pour lui aussi il existe, outre le temps plutĂŽt monotone du travail, le temps des rĂ©jouissances et des spectacles, le temps festif ». Lui aussi vit suivant des rythmes temporels variĂ©s et connaĂźt des temps d'intensitĂ© variable lorsqu'il Ă©coute sa musique prĂ©fĂ©rĂ©e ou, amoureux, attend ou rencontre la personne aimĂ©e, il Ă©prouve Ă©videmment un autre rythme temporel que lorsqu'il travaille ou s'ennuie. Mais, par rapport Ă l'homme religieux, il existe une diffĂ©rence essentielle ce dernier connaĂźt des intervalles sacrĂ©s », qui ne participent pas Ă la durĂ©e temporelle qui les prĂ©cĂšde et les suit, qui ont une tout autre structure et une autre origine », car c'est un Temps primordial, sanctifiĂ© par les dieux et susceptible d'ĂȘtre rendu prĂ©sent par la fĂȘte. Pour un homme non-religieux, cette qualitĂ© transhumaine du temps liturgique est inaccessible. Pour l'homme non-religieux, le Temps ne peut prĂ©senter ni rupture, ni mystĂšre » il constitue la plus profonde dimension existentielle de l'homme, il est liĂ© Ă sa propre existence, donc il a un commencement et une fin, qui est la mort, l'anĂ©antissement de l'existence. Quelle que soit la multiplicitĂ© de l'existence. Quelle que soit la multiplicitĂ© des rythmes temporels qu'il Ă©prouve et leurs diffĂ©rentes intensitĂ©s, l'homme non-religieux sait qu'il s'agit toujours d'une expĂ©rience humaine dans laquelle aucune prĂ©sence divine ne peut s'insĂ©rer. Pour l'homme religieux, au contraire, la durĂ©e temporelle profane est susceptible d'ĂȘtre pĂ©riodiquement arrĂȘtĂ©e » par l'insertion, au moyen des rites, d'un Temps sacrĂ©, non-historique dans le sens qu'il n'appartient pas au prĂ©sent historique. [âŠ] Le Temps sacrĂ©, pĂ©riodiquement rĂ©actualisĂ© dans les religions prĂ©-chrĂ©tiennes surtout dans les religions archaĂŻques, c'est un Temps mythique, un Temps primordial, non-identifiable au passĂ© historique, un Temps originel, dans le sens qu'il a jailli tout d'un coup », qu'il n'Ă©tait pas prĂ©cĂ©dĂ© par un autre Temps, parce qu'aucun Temps ne pouvait exister avant l'apparition de la rĂ©alitĂ© racontĂ©e par le mythe." Mircea Eliade, Le SacrĂ© et le Profane, 1957, Ă©d. Gallimard, Folio essais, 2001, p. 63. [1] ParmĂ©nidien relatif Ă ParmĂ©nide, philosophe grec du Ve siĂšcle av. ou Ă sa doctrine. Cette derniĂšre a fait de lui le penseur de l'Ătre par excellence, dont il a inlassablement rĂ©pĂ©tĂ© qu'il est, tandis que le Non-Ătre n'est pas. [2] Les gesta dĂ©signent les hauts faits/exploits des dieux. [3] Ab origine, in illo tempore dĂšs l'origine, en ce temps-lĂ . CorrigĂ© proposĂ© Pour l'homme religieux, le temps est hĂ©tĂ©rogĂšne et discontinu, car sĂ©parĂ© entre le temps sacrĂ© et le temps profane. / Le temps sacrĂ© ne fait que rĂ©pĂ©ter et rendre prĂ©sent un temps originel, mythique, celui des dieux. Il apparaĂźt dĂšs / lors circulaire et Ă©ternel. Pour l'homme non religieux, le temps connaĂźt aussi des rythmes diffĂ©rents, partagĂ© qu'il est / notamment entre le temps quotidien et le temps festif. Toutefois, Ă l'inverse de l'homme religieux, il ne conçoit / pas le temps comme marquĂ© par des ruptures. C'est un temps historique, celui de sa propre existence, qui possĂšde / un dĂ©but et une fin. 104 mots Retour en haut de page Date de crĂ©ation 27/09/2013 1144 DerniĂšre modification 09/05/2014 0631 CatĂ©gorie Page lue 6100 fois Imprimer l'article
HenriBergson Le rire Essai sur la signification du comique La BibliothÚque électronique du Québec Collection Philosophie Volume 16 : version 1.0 2. Elle permet la mémoire, et la mémoire permet la conscience, qui comme nous l'avons vu, permet le choix, et la création. : MLA: Copier Berthoz, Alain.« Les théories de Bergson sur la perception, la mémoire et le rire, au
A quoi vise l'art, sinon Ă nous montrer, dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience? Le poĂšte et le romancier qui expriment un Ă©tat d'Ăąme ne le crĂ©ent certes pas de toutes piĂšces ; ils ne seraient pas compris de nous si nous n'observions pas en nous, jusqu'Ă un certain point, ce qu'ils nous disent d'autrui. Au fur et Ă mesure qu'ils nous parlent, des nuances d'Ă©motion et de pensĂ©e nous apparaissent qui pouvaient ĂȘtre reprĂ©sentĂ©es en nous depuis longtemps mais qui demeuraient invisibles telle l'image photographique qui n'a pas encore Ă©tĂ© plongĂ©e dans le bain oĂč elle se rĂ©vĂ©lera. Le poĂšte est ce rĂ©vĂ©lateur. [...] Remarquons que l'artiste a toujours passĂ© pour un idĂ©aliste ». On entend par lĂ qu'il est moins prĂ©occupĂ© que nous du cĂŽtĂ© positif et matĂ©riel de la vie. C'est, au sens propre du mot, un distrait ». Pourquoi, Ă©tant plus dĂ©tachĂ© de la rĂ©alitĂ©, arrive-t-il Ă y voir plus de choses? On ne le comprendrait pas, si la vision que nous avons ordinairement des objets extĂ©rieurs et de nous-mĂȘmes n'Ă©tait une vision que notre attachement Ă la rĂ©alitĂ©, notre besoin de vivre et d'agir, nous a amenĂ©s Ă rĂ©trĂ©cir et Ă vider. De fait, il serait aisĂ© de montrer que, plus nous sommes prĂ©occupĂ©s de vivre, moins nous sommes enclins Ă contempler, et que les nĂ©cessitĂ©s de l'action tendent Ă limiter le champ de la vision. Henri Bergson. La pensĂ©e et le mouvant, 1938. PUF, Quadrige1990. Ă 151. ThĂšme L'art. La perception. Question Quelle est la finalitĂ© de l'art ? Vise-t-il seulement Ă exprimer un Ă©tat Ă©motionnel, une psychologie individuelle avec sa particularitĂ© et son arbitraire comme semble le croire la vulgate dĂ©posĂ©e dans les copies d'Ă©lĂšves ? Avec cette question, Bergson nous invite Ă interroger l'essence de l'art et Ă affronter la question au niveau qui est celui du grand art. Exit la miĂšvrerie psychologisante ; la grande affaire des artistes n'est pas le divan du psychanalyste et son horizon Ă©gotiste, c'est le rĂ©el tel qu'il s'offre Ă une libertĂ© qui s'en empare et en interroge l'ĂȘtre. A quoi vise donc l'activitĂ© artistique ? ThĂšse Ă nous montrer, dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience » rĂ©pond Bergson. L'art fait voir ce qu'ordinairement on ne sait pas voir. Il dĂ©couvre Ă nos regards ce qui s'y trouve depuis toujours mais demeure cachĂ© sans le dĂ©voilement qu'en opĂšre l'artiste. Au fond l'art atteste qu' une extension des facultĂ©s de percevoir est possible » Ibid, Ce qui conduit Bergson Ă affronter une nouvelle question. Question Comment rendre compte de cette possibilitĂ© ? Qu'est-ce qui permet ce pouvoir rĂ©vĂ©lateur de l'art ? ThĂšse La rĂ©ponse bergsonienne tient du paradoxe. Si la peinture, la littĂ©rature ont un pouvoir de rĂ©vĂ©lation, c'est que l'artiste est moins attachĂ© Ă la rĂ©alitĂ© » que le commun des hommes. Tout se passe comme si sa distraction », son dĂ©tachement Ă©tait le vecteur d'une perception plus Ă©clairante dans laquelle chacun retrouve sa propre expĂ©rience mais une expĂ©rience ayant besoin de l'artiste pour prendre conscience d'elle-mĂȘme. Que faut-il entendre par lĂ ? Explication dĂ©taillĂ©e I L'art est rĂ©vĂ©lation de ce qui est. L'art donne Ă voir apprend-on. Il montre, il fait surgir dans un matĂ©riau sensible un contenu insĂ©parable de la forme glorieuse dans laquelle il s'exhibe. La question est de savoir ce qu'il en est de ce contenu. Est-ce une rĂ©alitĂ© créée de toute piĂšce par l'artiste de telle sorte que l'art ouvrirait sur des fantaisies ou des mythologies personnelles ? Le propos bergsonien dissuade d'emblĂ©e d'envisager ainsi la crĂ©ation artistique en soulignant que l'art renvoie Ă l'expĂ©rience humaine universelle. Il met en jeu les donnĂ©es universelles de l'expĂ©rience des hommes. D'une part ce qui est et qui est constituĂ© aussi bien du monde extĂ©rieur, dĂ©signĂ© dans le texte par le mot de nature, que du monde intĂ©rieur, celui que le texte dĂ©signe comme monde de l'esprit. D'autre part les sens et la conscience. C'est, en effet, par l'intuition sensible ou par l'intuition que la conscience a de ses Ă©tats et des ses actes que nous avons accĂšs aux donnĂ©es naturelles ou spirituelles. La montagne qui se dĂ©coupe lĂ -bas, le petit coin de ciel bleu ou de mur jaune qui surgit dans le champ de vision sont ce qui existe pour nous par la mĂ©diation des sens et de la conscience. C'est pareil pour la vie de l'Ăąme avec ses modulations affectives, ses rĂȘves, ses joies et ses souffrances. Elle requiert un acte de la conscience pour ĂȘtre perçue. Or les sens et la conscience sont-ils par principe attentifs Ă l'infinie richesse du rĂ©el ? Il semble que non et ce qui l'atteste, selon Bergson, c'est l'expĂ©rience mĂȘme de l'art. Il y a, en effet, depuis des siĂšcles, des hommes dont la fonction est justement de voir et de nous faire voir ce que nous n'apercevons pas naturellement ». Ibid, La rĂ©flexion sur l'art engage donc une rĂ©flexion sur la perception car si la finalitĂ© de l'art est de porter Ă l'expression ce qui existe et que nous ne savons pas voir, cela signifie que la facultĂ© perceptive n'accomplit pas parfaitement sa fonction. PB Qu'est-ce que la perception et pourquoi est-elle en dĂ©faut par rapport au rĂ©el auquel elle renvoie ? La perception est la fonction de notre rapport au rĂ©el. C'est par elle que nous nous reprĂ©sentons des objets dans l'espace, que nous formons une image de ce qui existe, et ce n'est pas une mince affaire de savoir comment s'Ă©labore cette reprĂ©sentation. Suppose-t-elle une passive rĂ©ception de ce qui est donnĂ© aux sens et Ă la conscience ? A l'Ă©vidence non puisque le monde perçu varie d'un sujet Ă un autre et qu'avec Bergson on peut faire de la perception la pierre de touche de la distinction de l'artiste et du commun des hommes. Il semble donc qu'elle soit tributaire d'une maniĂšre de se projeter vers les choses, de les configurer de telle sorte que le sujet percevant intervient activement dans la construction de l'objet perçu. OpĂ©ration complexe donc que la perception, l'enjeu de ce texte Ă©tant d'Ă©tablir que la fonction de notre ouverture au rĂ©el, peut ĂȘtre moins ce qui nous le rĂ©vĂšle que ce qui fait Ă©cran et tisse un voile empĂȘchant d'accĂ©der Ă la rĂ©alitĂ© des choses. Le donnĂ© avec sa richesse et son originalitĂ© n'apparaĂźt pas nĂ©cessairement aux sens et Ă la conscience dans la clartĂ© de son offrande. Il ne frappe pas explicitement nos sens et notre conscience » dit Bergson. Entendons, il est possible que nous n'y soyons pas sensibles ou attentifs. Ce qui n'est pas explicitĂ© » est, en effet, ce qui n'est pas portĂ© Ă la lumiĂšre du jour, ce qui reste cachĂ©, ce qui demeure invisible au regard ou Ă la conscience. Ces effets d'occultation » sont le lot de la perception commune. Ex La coupe de fruits sur la table de la cuisine est bien perçue par la cuisiniĂšre mais il faut le grand art de CĂ©zanne pour rendre visible ce que l'on voit sans le voir vraiment la profondeur, le veloutĂ©, la mollesse, la duretĂ© mĂȘme des objets - CĂ©zanne disait mĂȘme leur odeur » Merleau-Ponty dans le doute de CĂ©zanne, Sens et non sens, Gallimard, p. 20. Ex De mĂȘme il faut l'art de Turner pour dĂ©voiler le paysage comme atmosphĂšre et on ne voit plus la lagune de Venise aprĂšs lui comme on la voyait avant. Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes. Un Corot, un Turner, pour ne citer que ceux-lĂ , ont aperçu dans la nature bien des aspects que nous ne remarquions pas. - Dira-t-on qu'ils n'ont pas vu, mais créé, qu'ils nous ont livrĂ© des produits de leur imagination, que nous adoptons leurs inventions parce qu'elles nous plaisent, et que nous nous amusons simplement Ă regarder la nature Ă travers l'image que les grands peintres nous en ont tracĂ©e ? C'est vrai dans une certaine mesure; mais, s'il en Ă©tait uniquement ainsi, pourquoi dirions-nous de certaines oeuvres - celles des maĂźtres qu'elles sont vraies ? oĂč serait la diffĂ©rence entre le grand art et la pure fantaisie ? Approfondissons ce que nous Ă©prouvons devant un Turner ou un Corot nous trouverons que, si nous les acceptons et les admirons, c'est que nous avions dĂ©jĂ perçu quelque chose de ce qu'ils nous montrent. Mais nous avions perçu sans apercevoir. C'Ă©tait, pour nous, une vision brillante et Ă©vanouissante, perdue dans la foule de ces visions Ă©galement brillantes, Ă©galement Ă©vanouissantes, qui se recouvrent dans notre expĂ©rience usuelle comme des dissolving views» et qui constituent, par leur interfĂ©rence rĂ©ciproque, la vision pĂąle et dĂ©colorĂ©e que nous avons habituellement des choses. Le peintre l'a isolĂ©e; il l'a si bien fixĂ©e sur la toile que, dĂ©sormais, nous ne pourrons nous empĂȘcher d'apercevoir dans la rĂ©alitĂ© ce qu'il y a vu lui-mĂȘme. » La pensĂ©e et le mouvant, Si la peinture Ă©largit la facultĂ© perceptive, la littĂ©rature enrichit la conscience de la vie intĂ©rieure. Les romanciers comme les musiciens font entendre ou figurent dans des personnages la petite musique de l'Ăąme. Stendhal peint par exemple les Ă©motions, les dĂ©sirs, les espĂ©rances, les dĂ©ceptions de Julien Sorel, de Madame de RĂȘnal ou de Mathilde de la Mole, dans Le Rouge et le Noir. Comment pourrions-nous vivre de la vie de ces hĂ©ros s'ils ne nous parlaient pas de nous-mĂȘmes ? Le poĂšte et le romancier qui expriment un Ă©tat d'Ăąme ne le crĂ©ent certes pas de toutes piĂšces ; ils ne seraient pas compris de nous si nous n'observions pas en nous, jusqu'Ă un certain point, ce qu'ils nous disent d'autrui. » affirme Bergson. De fait qu'est-ce qui fait du personnage d'Emma Bovary une grande crĂ©ation littĂ©raire ? Il est vrai que Flaubert disait Madame Bovary c'est moi », mais si la tendance Ă fuir dans une vie fantasmatique la mĂ©diocritĂ© de son quotidien social et sentimental, si le dĂ©sir d'ĂȘtre autre chose que ce que l'on est n'avaient pas un Ă©cho en chacun de nous, Flaubert ne serait pas l'auteur d'une grande Ćuvre d'art. Le bovarysme n'aurait-il pas son siĂšge dans quelques uns des sous-moi qui composent notre complexe nature psychologique ? » demande judicieusement Georges Palante dans son essai sur le bovarysme 1903. C'est parce que le romancier a su Ă©lever son expĂ©rience Ă l'universel qu'il nous Ă©meut. Son gĂ©nie est de peindre un Ă©tat de notre Ăąme, si passager, si furtif pour certains qu'ils n'en soupçonnent mĂȘme pas l'existence. Lui, en rĂ©vĂšle les multiples nuances, les couleurs changeantes et en suivant Emma dans son exaltation ou son dĂ©sespoir, dans ses rĂȘves ou dans son ressentiment, Flaubert nous permet de dĂ©couvrir une part de nous-mĂȘmes qui nous Ă©tait inconnue ou du moins si peu sensible que nous ne la remarquions mĂȘme pas. Il eĂ»t fallu pour cela ĂȘtre attentif Ă la durĂ©e et Ă son hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©, thĂšme cher Ă notre philosophe. Tout ce qui existe dĂ©ploie son ĂȘtre dans le temps et celui-ci se caractĂ©rise par l'absence d'homogĂ©nĂ©itĂ©. Le temps vĂ©cu n'est pas le temps des horloges, temps mathĂ©matique oĂč une heure est identique Ă une heure ; c'est la durĂ©e oĂč chaque instant est unique, diffĂ©rent d'un autre au point qu'ĂȘtre fidĂšle au rĂ©el impliquerait une disponibilitĂ© permanente Ă l'imprĂ©visible nouveautĂ© des choses extĂ©rieures et intĂ©rieures. Il y a une minute du monde qui passe, il faut la peindre dans sa rĂ©alitĂ© » disait CĂ©zanne. Comme le peintre, le poĂšte essaie de capter la vie mouvante de l'Ăąme, ses couleurs changeantes, ses ombres et ses clartĂ©s. Il s'agit de dĂ©voiler sous la pauvretĂ© de ce qui apparaĂźt Ă une perception rĂ©trĂ©cie une rĂ©alitĂ© concrĂšte que seule une attention pĂ©nĂ©trante peut mettre Ă jour. L'artiste est l'homme de cette attention. En lui la nature ou l'Ăąme se sent, se pense et s'exprime. C'est dire que l'artiste ne fait pas exister arbitrairement ce qu'il dĂ©peint. Ni il ne le crĂ©e absolument, ni il ne se contente de l'imiter. Il n'invente pas ; il dĂ©couvre au regard une rĂ©alitĂ© prĂ©existante. Il n'imite pas car l'opĂ©ration de dĂ©voiler est toujours transposition d'une rĂ©alitĂ© dans un Ă©lĂ©ment le poĂšme, le roman, la peinture, la musique d'une autre nature et dont les contraintes exigent de ruser avec le rĂ©el pour en restituer la vĂ©ritĂ©. L'esthĂ©tique de la mimesis n'a jamais Ă©tĂ© une invitation Ă reproduire le rĂ©el, le propos aristotĂ©licien disant que l'art imite la nature ou l'achĂšve» signifiant que l'artiste doit ĂȘtre un aussi bon artiste que la nature pour porter Ă l'expression ce qu'il cherche Ă en montrer. Or pour rivaliser avec la nature, il faut savoir lui ĂȘtre infidĂšle. Le corps humain n'a jamais eu les proportions de la statuaire grecque mais ce sont ces proportions qui en montrent la force et l'harmonie. L'homme qui marche n'a jamais eu les deux pieds rivĂ©s au sol, comme dans l'Ćuvre de Rodin, mais sans cette ruse, le mouvement serait suspendu. L'art est un mensonge qui dit la vĂ©ritĂ© ; tous les artistes le proclament Ă leur façon. La servile reproduction ne dĂ©voile rien. Quel intĂ©rĂȘt aurait une activitĂ© se contentant de reproduire ce qui se donne Ă la perception immĂ©diate ? La vocation de l'art consiste Ă dĂ©chirer les apparences qui dissimulent sous leur abstraction le concret pour faire apparaĂźtre ce qui n'apparaĂźt pas Ă la perception banale. Bergson recourt Ă une image pour illustrer la fonction rĂ©vĂ©latrice de l'art. Ce qui se passe dans l'art est comparable Ă ce qui se passe pour l'image photographique. Le bain dans lequel on plonge la pellicule pour faire apparaĂźtre l'image ne crĂ©e pas cette derniĂšre, il ne fait que la rĂ©vĂ©ler mais sans la solution nĂ©cessaire Ă la fixation de l'image, celle-ci demeurerait invisible. Ainsi en est-il de l'art. L'artiste n'invente pas la rĂ©alitĂ© qu'il donne Ă voir mais sans lui elle demeurerait invisible. La question est donc maintenant de comprendre pourquoi il a ce pouvoir. II La raison d'ĂȘtre de ce pouvoir. Et ce n'est pas un moindre paradoxe de dĂ©couvrir que si l'artiste est le rĂ©vĂ©lateur du rĂ©el, c'est parce qu'Ă la diffĂ©rence des autres hommes, il y est moins attachĂ© ». Il est, dit-on, un distrait », un idĂ©aliste ». Quelle que soit la dĂ©nomination, on signifie que l'artiste n'est pas inscrit dans le rĂ©el comme les hommes le sont ordinairement. Fait Ă©tonnant. Bergson s'y attarde en mettant en Ă©vidence le paradoxe Pourquoi, Ă©tant plus dĂ©tachĂ© de la rĂ©alitĂ©, arrive-t-il Ă y voir plus de choses ? ». On a plutĂŽt tendance Ă penser qu'il faut ĂȘtre solidement arrimĂ© au rĂ©el pour le voir. Or l'artiste incarne le contraire de ce qui se revendique comme modalitĂ© d'ĂȘtre rĂ©aliste ». Le rĂ©aliste se croit au plus prĂšs de la rĂ©alitĂ© parce que les besoins et les intĂ©rĂȘts matĂ©riels des hommes sont ce qui structure son rapport au rĂ©el. Il a les pieds sur terre », lui ; il a le souci de l'utilitĂ© et de l'efficacitĂ© ! Il est Ă©tranger Ă ce qu'il qualifie d'idĂ©alisme » Ă savoir cette façon d'exister comme une sensibilitĂ© et une spiritualitĂ© libre, laissant subsister le rĂ©el dans son Ă©trange prĂ©sence pour en faire un objet de contemplation. La rĂ©alitĂ© est pour lui le corrĂ©lat de sa maniĂšre intĂ©ressĂ©e de se projeter vers elle. Aux antipodes de son affairement, de son pragmatisme, l'artiste lui semble dans la lune ». Sa maniĂšre d'ĂȘtre au monde est si dĂ©tachĂ©e de ses prĂ©occupations utilitaires qu'il lui semble en retrait, sur une autre planĂšte », et c'est ce que connote l'idĂ©e de distraction. Le distrait est aveugle Ă ce qui Ă©blouit les yeux des autres. Il ne voit pas ce qu'ils voient. Il a une maniĂšre d'ĂȘtre prĂ©sent au monde donnant le sentiment de l'absence. Les liens tissant les rapports des autres au rĂ©el sont chez lui comme suspendus. Bergson insiste sur son dĂ©tachement ». Le dĂ©tachement est la vertu que l'on reconnaĂźt habituellement au philosophe parce que le travail de la pensĂ©e exige le recul, la distance, la mise hors jeu des dĂ©sirs, des passions et des intĂ©rĂȘts matĂ©riels dont l'effet est de dĂ©tourner l'esprit de sa fin propre, Ă savoir de la recherche de la vĂ©ritĂ©. C'est aussi celle de l'artiste, selon Bergson, mais chez lui le dĂ©tachement n'est pas le rĂ©sultat d'une ascĂšse. Il n'est pas volontaire, conquis, il est un Ă©tat naturel ». Tout se passe comme si la nature avait donnĂ© Ă certains hommes le don de sentir ou de penser autrement que le commun des hommes. Pour prendre la mesure de leur singularitĂ©, il convient de dĂ©crire la maniĂšre usuelle d'ĂȘtre au monde. Elle se caractĂ©rise par le privilĂšge de l'action sur la contemplation et par le rĂ©trĂ©cissement du champ de vision. Pourquoi ? Parce que vivre c'est agir. Il y a lĂ une urgence de premiĂšre nĂ©cessitĂ©. Nous avons des besoins Ă satisfaire, des intĂ©rĂȘts vitaux et nous sommes tout naturellement enclins Ă ne saisir du rĂ©el que ce qui est en rapport avec ces besoins et ces intĂ©rĂȘts matĂ©riels. L'arbre en fleurs est pour le paysan la promesse d'une bonne rĂ©colte, il n'en perçoit que ce qu'il lui est utile d'en percevoir. Sa perception est intĂ©ressĂ©e, ses prĂ©occupations le dĂ©tournant de regarder l'arbre Ă la maniĂšre du peintre Bonnard. Ce dernier ne le voit pas pour ce qu'il pourra en tirer, il le voit pour lui-mĂȘme. Les formes, les couleurs, les volumes de l'amandier en fleurs s'imposent Ă lui dans l'Ă©nigme de leur visibilitĂ©. Dans son texte d'hommage Ă Berthe Morisot, ValĂ©ry insiste sur cette caractĂ©ristique du peintre d'ĂȘtre affranchi d'un rapport pragmatique au rĂ©el. A la diffĂ©rence du paysan, du militaire et du gĂ©ologue qui ne voient du paysage que ce qui fait sens pour leurs intĂ©rĂȘts, celui-ci est chose vue, simplement vue pour l'artiste peintre. Aux nĂ©cessitĂ©s de l'action structurant la perception des uns, s'oppose l'attitude contemplative de l'autre. Si l'on rajoute que pour les besoins de l'action, il a fallu dĂ©signer les choses par des mots, des mots qui finissent par se substituer Ă elles de telle sorte qu'on ne les voit plus dans leur originalitĂ© et leur unicitĂ© mais on se contente des Ă©tiquettes que le langage a collĂ©es sur elles, on comprend que la vision que nous avons ordinairement des objets extĂ©rieurs et de nous-mĂȘmes soit une vision que notre attachement Ă la rĂ©alitĂ©, notre besoin de vivre et d'agir, nous a amenĂ©s Ă vider et Ă rĂ©trĂ©cir ». A l'opposĂ©, le dĂ©sintĂ©rĂȘt des artistes pour l'action et les intĂ©rĂȘts matĂ©riels les rend disponibles pour une perception plus profonde de la rĂ©alitĂ©. Ils sont sensibles en gĂ©nĂ©ral par un seul sens et attentifs au concret, Ă son caractĂšre unique, original, mouvant. Leur perception est ouverte au don infiniment renouvelĂ© de la rĂ©alitĂ© pure. Elle en a la densitĂ© et, grĂące Ă eux, la perception commune rĂ©trĂ©cie et vidĂ©e » s'Ă©largit et s'enrichit. Il est donc bien vrai que l'art donne Ă voir. Il n'imite pas le visible, il rend visible » disait Klee. Il ouvre sur un monde qui, en un certain sens, est bien le monde de tel ou tel artiste car le sensible est toujours au point de convergence du sentant et du senti et le sentant est irrĂ©ductiblement un ĂȘtre singulier. C'est CĂ©zanne ou Flaubert. Mais si ce monde Ă©tait purement subjectif, l'oeuvre serait privĂ©e de toute puissance d'Ă©motion esthĂ©tique. Car, ainsi que l'Ă©crit Mikel Dufrenne Le critĂšre de la vĂ©racitĂ© esthĂ©tique, c'est l'authenticitĂ© Ă travers l'auteur de l'oeuvre, s'il est inspirĂ©, il semble que ce soit le monde comme Nature naturante qui nous fasse signe, et nous donne Ă dĂ©chiffrer un de ses visages. Chaque monde singulier est un possible du monde rĂ©el. [..] Le monde, c'est l'inĂ©puisable il dĂ©borde toujours ce que vivent, comme leur principal souci et leur principale tĂąche, les hommes d'une Ă©poque » EsthĂ©tique et philosophie, Klincksieck, p. 26. NĂ©anmoins peut-on affirmer que le monde ouvert par l'artiste procĂšde d'un accĂšs direct Ă la rĂ©alitĂ©? Bergson le soutient dans de nombreux textes La nature a oubliĂ© d'attacher leur facultĂ© de percevoir Ă leur facultĂ© d'agir. Quand ils regardent une chose, ils la voient pour elle, et non plus pour eux. Ils ne perçoivent plus simplement en vue d'agir ; ils perçoivent pour percevoir, - pour rien, pour le plaisir. Par un certain cĂŽtĂ© d'eux-mĂȘmes, soit par leur conscience soit par un de leurs sens, ils naissent dĂ©tachĂ©s ; et selon que ce dĂ©tachement est celui de tel ou tel sens, ou de la conscience, ils sont peintres ou sculpteurs, musiciens ou poĂštes. C'est donc bien une vision plus directe de la rĂ©alitĂ© que nous trouvons dans les diffĂ©rents arts ; et c'est parce que l'artiste songe moins Ă utiliser sa perception qu'il perçoit un plus grand nombre de choses » Ibid, p. 152, 153. Dans Le rire, il Ă©crit aussi Mais de loin en loin, par distraction, la nature suscite des Ăąmes plus dĂ©tachĂ©es de la vie. Je ne parle pas de ce dĂ©tachement voulu, raisonnĂ©, systĂ©matique, qui est oeuvre de rĂ©flexion et de philosophie. Je parle d'un dĂ©tachement naturel, innĂ© Ă la structure du sens ou de la conscience, et qui se manifeste tout de suite par une maniĂšre virginale, en quelque sorte, de voir, d'entendre ou de penser. Si ce dĂ©tachement Ă©tait complet, si l'Ăąme n'adhĂ©rait plus Ă l'action par aucune de ses perceptions, elle serait l'Ăąme d'un artiste comme le monde n'en a point vu encore. Elle excellerait dans tous les arts Ă la fois, ou plutĂŽt elle les fondrait tous en un seul. Elle apercevrait toutes choses dans leur puretĂ© originelle, aussi bien les formes, les couleurs et les sons du monde matĂ©riel que les plus subtils mouvements de la vie intĂ©rieure. » PUF, p. 120. 1900. Si l'on peut suivre Bergson dans l'idĂ©e qu'une perception dĂ©livrĂ©e des limites du besoin, des prĂ©occupations utilitaires et des conventions linguistiques est sans doute plus disponible Ă la richesse du donnĂ© que celle qui en est prisonniĂšre, en revanche il est difficile de le suivre lorsqu'il parle d'une maniĂšre virginale » de percevoir permettant de saisir les choses dans leur puretĂ© originelle ». Car cette idĂ©e d'une virginitĂ© possible des sens et de la conscience n'est-elle pas une illusion ? Les sens et la conscience ne sont-ils pas irrĂ©ductiblement des mĂ©diations dans le rapport au rĂ©el et ces mĂ©diations peuvent-elles jamais ĂȘtre virginales ? Ce serait oublier qu'elles ont Ă©tĂ© Ă©duquĂ©es dans un contexte culturel, qu'elles portent la marque d'une subjectivitĂ© mĂȘme si elle est Ă©levĂ©e Ă l'universel, et surtout qu'elles ne sont pas des instruments passifs dans la reprĂ©sentation. Le donnĂ© est toujours l'objet d'une transposition et toute transposition implique une part de construction. Peut-on sĂ©rieusement prĂ©tendre que l'artiste Ă©chapperait aux lois gĂ©nĂ©rales de la perception ? Telle Ă©tait l'aspiration des grands artistes modernes. Les Monet, Gauguin, CĂ©zanne, Malevitch, Klee Ă©taient obsĂ©dĂ©s par le souci de retrouver un rapport au rĂ©el vierge de toutes les influences d'une civilisation dont ils voulaient secouer le joug. Ils ont produit de grandes Ćuvres. Peut-on dire pour autant qu'ils nous ont donnĂ© accĂšs Ă la puretĂ© originelle des choses ? Conclusion Il y a dans ce texte une conception originale de l'art. Bergson soutient que l'art est une voie d'accĂšs plus directe Ă la rĂ©alitĂ© que la perception commune car les sens et la conscience de l'artiste sont en consonance avec le rĂ©el. Ce statut d'exception tient au fait que la nature a fait naĂźtre des Ăąmes qui, de maniĂšre innĂ©e, sont dĂ©tachĂ©es de la vie, ce dĂ©tachement naturel Ă©tant la garantie d'une maniĂšre virginale de percevoir. ThĂšse intĂ©ressante mais problĂ©matique. La question est en derniĂšre analyse de savoir s'il suffit d'ĂȘtre dĂ©livrĂ© des intĂ©rĂȘts pragmatiques pour mieux voir et faire disparaĂźtre les mĂ©diations. Est-il lĂ©gitime de prĂ©tendre qu'il y a pour l'homme une intuition possible de l'immĂ©diat ? C'est en tout cas ce qu'affirme Bergson. Par l'Ă©largissement de la facultĂ© perceptive et de la conscience qu'il implique, l'art a l'insigne privilĂšge de dĂ©truire les mĂ©diations occultantes pour donner accĂšs Ă la rĂ©alitĂ© pure. Maiscette durĂ©e que la science Ă©limine, qu'il est difficile de concevoir et d'exprimer, on la sent et on la vit. Bergson, La PensĂ©e et le Mouvant Ce corrigĂ© est disponible sur Finalement, voici l'exemple de ce que j'ai fait. C'est loin d'ĂȘtre parfait, mais ça peut complĂšter ton travail Que nous dit ⊠lâexpĂ©rience ? Elle nous montre que la vie de lâĂąme ou, si vous aimez mieux, la vie de la conscience, est liĂ©e Ă la vie du corps, quâil y a solidaritĂ© entre elles, rien de plus. â L'expĂ©rience, donc le vĂ©cu, nous prouve qu'il y a un lien entre la pensĂ©e et le corps. Contrairement Ă Descartes qui disait que la PensĂ©e est indĂ©pendante de toute chose extĂ©rieure, Bergson affirme ici que les idĂ©es et le physique d'une personne ont un rapport. Mais ce point nâa jamais Ă©tĂ© contestĂ© par personne, et il y a loin de lĂ Ă soutenir que le cĂ©rĂ©bral est lâĂ©quivalent du mental, quâon pourrait lire dans un cerveau tout ce qui se passe dans la conscience correspondante. â Dans cette premiĂšre constatation, Bergson n'affirme rien de nouveau. Ce constat de rapport entre pensĂ©e et corps, Ăąme et physique, conscience et science, ne signifie pourtant pas que pensĂ©e Ă©gale corps! Bergson donne pour cela l'exemple du cerveau humain on ne peut pas voir dans un cerveau ce que pense l'homme. La chose purement matĂ©rielle, ce morceau du corps humain, ne permet pas de connaĂźtre la chose immatĂ©rielle, spirituelle qu'est la pensĂ©e humaine. Un vĂȘtement est solidaire du clou auquel il est accrochĂ© ; il tombe si lâon arrache le clou ; il oscille si le clou remue ; il se troue, il se dĂ©chire si la tĂȘte du clou est trop pointue ; il ne sâensuit pas que chaque dĂ©tail du clou corresponde Ă un dĂ©tail du vĂȘtement, ni que le clou soit lâĂ©quivalent du vĂȘtement ; encore moins sâensuit-il que le clou et le vĂȘtement soient la mĂȘme chose. â Pour illustrer encore son idĂ©e, Bergson a recours Ă un second exemple, celui du vĂȘtement accrochĂ© Ă un clou. En fonction du mouvement du clou, le vĂȘtement rĂ©agit. Dans cette mesure, il dĂ©pend du clou. Pourtant, cela ne signifit pas que le corps du clou ait des correspondances avec le corps du vĂȘtement. Un pli dans le clou par exemple ne reprĂ©sente pas un trou dans le vĂȘtement. De plus, le vĂȘtement n'est pas la mĂȘme chose que le clou. Ils ne se confondent pas mais sont bien distinguĂ©s. Ainsi, la conscience est incontestablement accrochĂ©e Ă un cerveau mais il ne rĂ©sulte nullement de lĂ que le cerveau dessine tout le dĂ©tail de la conscience, ni que la conscience soit une fonction du cerveau. â De cet exemple, Bergson dĂ©duit que la pensĂ©e est effectivement âaccrochĂ©eâ au cerveau, elle est bel et bien produite dans le cerveau. Si le cerveau est blessĂ©, suite Ă un traumatisme cranien par exemple, la pensĂ©e peut aussi ĂȘtre altĂ©rĂ©e. Mais cela ne signifit pas que le cerveau uniquement produise la pensĂ©e. MalgrĂ© tout, la conscience et l'Ă©thique d'un individu ne dĂ©pend pas seulement et uniquement du cerveau. Tout ce que lâobservation, lâexpĂ©rience, et par consĂ©quent la science nous permettent dâaffirmer, câest lâexistence dâune certaine relation entre le cerveau et la conscience. â C'est seulement une âcertaine relationâ que l'expĂ©rience peut donc nous prouver. xPqSU86.